Risoul dans la tourmente
_______________
La situation de la station de Risoul devient
grave. La commune de Risoul a délégué l'exploitation des
remontées mécaniques à la société Sermont, filiale de la
société Valmont, et s'appuie sur Sara Résidences de
tourisme, une autre filiale de Valmont
(1), pour
remplir la station dans les nombreuses résidences que celle-ci gère.
Prétextant des difficultés de trésorerie passagères, les deux filiales
de Valmont ont présenté deux plans sociaux, avec quatre
licenciements à Sermont
et neuf à Sara Résidences, et se sont déclarées en état de
cessation de paiement au début du mois.
Il apparaît en fait que les difficultés ne sont pas
passagères, mais qu'au contraire les deux sociétés ne payent pas à la
commune depuis plusieurs années, les redevances sur les recettes des
remontées mécaniques pour l'une, les taxes de séjour, l'eau et
l'assainissement pour l'autre, bénéficiant ainsi d'une mansuétude
coupable de la part de la commune, que son maire reconnaît d'ailleurs.
La Provence parle même à juste titre de monde à l'envers !
La tension est montée d'un cran avec le non paiement des
salaires d'avril, que le PDG commun de Sermont et de
Sara Résidences a finalement promis de payer après un face à
face tendu avec les salariés et le maire, tandis que les fournisseurs
bloquaient le chantier d'une résidence en construction de Sara.
Les deux sociétés ont finalement été mises en redressement judiciaire
par le tribunal de commerce de Paris (16 mai 2013) et une période
d'observation de six mois a été accordée pour éviter la liquidation
judiciaire.
_______________
On
s'étonnera bien sûr de difficultés de trésorerie en fin de saison d'hiver au
moment où au contraire les caisses devraient être pleines. Cela indique que
l'argent doit remonter immédiatement à Valmont et ne pas rester
dans les filiales. On s'étonnera d'autant plus que, aux vues des comptes 2011,
cette société ne semble pas avoir de problème de trésorerie et que la situation
financière de son principal actionnaire, Soprobail, est plutôt
solide. On peut craindre que la situation présente ne résulte que des pratiques
financières du groupe (2).
Une instruction permettrait peut-être de faire la lumière sur celles-ci.
_______________
À
l'évidence cette affaire marque l'échec d'un mode de fonctionnement fondé à la
fois sur un parc immobilier surdimensionné, sur une délégation de service public
non contrôlée et sur une dépendance d'un seul groupe.
Le
surdimensionnement immobilier a déjà été traité à l'occasion des difficultés de
Sara Résidences à Puy-Saint-Vincent
(3). Il a conduit, ici aussi, à une
politique de remplissage à bas coûts catastrophique pour l'image de marque de la
station, notamment par
des groupes en mal de fiesta dont les
excès conduisent chaque année à des accidents mortels par excès d'alcool
(4), (5),
(6) et qu'une
émission de Zone interdite sur M6 avait illustrés
(7).
La délégation de l'exploitation des
remontées mécaniques (et d'ailleurs de tout autre service public) apparaît
présenter de grands risques pour les petites communes incapables d'en contrôler
l'exécution. Dans le cas présent, non seulement la commune de Risoul n'a
pas perçu les redevances dues mais en plus elle a laissé perdurer la situation
au-delà du raisonnable, comme le reconnaît aujourd'hui son maire, Max
Brémond : « Pendant quatre ans, nous avons fait des efforts en fermant
les yeux sur les retards de règlement de la Sermont. (...) la
commune de Risoul risque une mise sous tutelle car ce qu'elle a fait est
illégal. » Incroyable, de petites facilités en grands arrangements, on se
retrouve avec un trou de 4 millions d'euros dans les comptes de la commune !
Avec Sara Résidences et
Sermont, filiales d'une même société, toutes dirigées par le même
homme, la commune a perdu toute indépendance et mis tous ces œufs dans le même
panier. Une fois de plus la confusion malsaine entre l'immobilier, les remontées
mécaniques et le tourisme en général se révèle lourde de conséquences. C'est
ainsi que les 9 à 10 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel de
Sermont ont permis de maintenir Sara Résidences à flot via
des mouvements de capitaux au sein de Valmont
(2)
et que la commune pleure ses 4 millions d'euros qui manquent.
_______________
La
confiance semblant définitivement rompue entre la commune et Valmont,
son maire envisage de revenir à une gestion en régie des remontées mécaniques,
mais la question de l'immobilier surdimensionné reste en suspens d'autant plus
que des chantiers sont encore en cours.
_______________
En conclusion, on ne peut que souligner
l'importance pour une petite commune de garder le contrôle de son développement.
Celui-ci ne doit être mené qu'au profit et dans l'intérêt de la population et
non de groupes financiers extérieurs, comme Valmont et au-dessus,
Soprobail.
La commune et la station de Risoul
se démènent pour l'animation et l'amélioration de leur image de marque, à
travers notamment les événements sportifs et la venue d'équipes cyclistes. On
est malheureux pour eux de voir tous ces efforts locaux gâchés par cette affaire
et par une politique de commercialisation low cost en complète opposition
avec le standing des résidences récemment construites (9)
ou en projet et avec le positionnement initialement voulu. Mais pour que cela
marche, il faut faire du tourisme et non de l'immobilier.
_______________
Vallouimages
Vallouise, 18 mai 2013
_______________
Notes :
(1) Le chef d'orchestre est Bertrand Boillon,
président de Sermont et de Sara Résidences et
directeur général de fait de Valmont. Officiellement le DG
est la société BBA Consultants dont Bertrand Boillon
est le gérant (BBA pour Bertrand Boillon Associés). Il est par ailleurs gérant
de Risoul 2000 et de Pelval, gestionnaire jusqu'à
cette saison des remontées mécaniques de la station de Pelvoux-Vallouise.
Bien que toutes ces sociétés aient leurs activités dans les Hautes-Alpes, on est
stupéfait de constater que leurs sièges sociaux (hormis Valmont)
se situent tous au domicile de Bertrand Boillon.
(2)
La technique de Sara Résidences pour
financer ses nouvelles constructions est très simple : le produit des ventes de
la résidence n sert à payer la résidence (n-1), au lieu d'être utilisé pour
financer la résidence (n+1). Autrement dit, c'est la fuite en avent car il faut
toujours une résidence en construction pour éviter la culbute. Qu'il y ait le
moindre grain de sable et le mécanisme s'arrête. Ici il semble s'être prolongé
un peu en injectant dans Sara Résidences de la trésorerie en
provenance de Sermont. Ce qui a fragilisé celle-ci alors que ses
comptes passés sont satisfaisants.
(3) Puy-Saint-Vincent -
Propriétaires et gestionnaires sous pression ou Fiasco d'une revitalisation
détournée de sa finalité
(4)
Risoul pas toujours tranquille
(5)
Dauphiné Libéré, 12 avril 2013
(6)
Dauphiné Libéré, 18 février 2012
(7)
Risoul défouloir des jeunes
(8)
Dauphiné Libéré, 15 mai 2013
(9)
Risoul, pionnier de l'architecture écologique en montagne, Les Échos, 24
février 2010 : un bel exemple de communication verte complètement à côté
de la plaque !
_______________
Voir aussi :
Des stations en difficulté
_______________