L’incident de
dimanche dernier ayant opposé un élu à un manifestant a donné lieu à une
curieuse récupération politique
(1).
On aura vu plusieurs élus donner au « coup de sang » (2)
de leur collègue une résonance démesurée alors qu’il aurait mieux valu faire
profil bas compte tenu de la nature de l’écart de leur collègue et surtout
de son peu d’intérêt. Même le président du conseil départemental est
intervenu. Les ficelles sont toutefois un peu grosses et le résultat est
assez révélateur.
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Ne pas se tromper de sujet
Plusieurs points méritent à nouveau d’être relevés. La cause racine
de la situation réside dans le fait qu’une entreprise, elle-même
extérieure au département, du nom de RTE est en train d’implanter
une ligne THT aérienne dont les habitants ne veulent pas en
saccageant les paysages. En guise de
« démonstrations
sauvages par des gens extérieurs au département »,
on est servi tant au niveau des entreprises qu’au niveau des
personnels. Les élus n’ont malheureusement pas mesuré l’hostilité
locale qui s’est traduite par 92% d’avis défavorables recueillis
lors de l’enquête publique, seule consultation publique officielle
conduite à ce jour sur le projet
(3).
Car les gens aiment leur pays, beaucoup vivent du tourisme et ne
veulent pas le voir mutiler.
Surtout, ne
nous trompons pas de sujet : c’est l’option aérienne qui est en
cause, ce n’est pas la ligne THT en elle-même pour la grande
majorité des opposants. Il serait tant que les élus au lieu de se
braquer le réalisent, arrêtent de répondre à côté de la plaque et
soutiennent cette position, déjà soutenue par plusieurs d’entre eux,
et prévue dans la vallée de la Guisane.
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Ne pas répondre à côté de la plaque
Les
réponses relevant du domaine économique sont complètement à côté de la
plaque :
« Le
dossier THT est un fait acquis et le chantier est en phase d’exécution. Les
opposants […] devaient se manifester préalablement auprès des élus nationaux
et ne pas s’en prendre maintenant aux conseillers départementaux. »
Le
dossier THT est un fait acquis, nous sommes d’accord et il n’est plus temps
de le remettre en cause, mais c’est le mode d’exécution qu’il faut revoir,
souterrain et non aérien. Quant à la dernière phrase, on se demande à qui
elle est destinée car les opposants se sont justement largement exprimés
lors des enquêtes publiques
(4),
mais leur avis majoritaire n’a pas été pris en compte, et précisément par
les élus auxquels les opposants s’en prennent.
« Un
chantier [qui] donne du travail à nos entreprises, ce qui dans cette période
délicate est un « plus » pour l’économie. »
C’est
évident, il va falloir penser à arrêter de prendre les gens pour des
imbéciles. Il faudrait probablement nuancer la première phrase sur la
quantité de travail fournie aux entreprises locales mais celles-ci auraient
aussi pu et dû bénéficier de l’option souterraine
(5).
Dans le cas présent, les entreprises locales et leurs salariés locaux ne
doivent pas être très fières du sale boulot qu’on leur fait faire. Elles
auront grandement mérité un pylône à leurs noms.
« L’équipement électrique était une nécessité énergétique. »
On
pourrait en discuter au niveau du dimensionnement, mais admettons. Là
encore, il faut arrêter ce genre d’argument car la nécessité énergétique est
indépendante de l’option choisie, aérienne ou souterraine.
« Nous
sommes fatigués de voir ces derniers temps des manifestations qui dégénèrent
au bénéfice de provocations et de dégradations. »
Évidemment
mais à qui la faute sinon aux élus qui oublient par qui ils ont été élus et
qui sacrifie l’intérêt public à des intérêts privés. Il est même à craindre
que la situation se tende un peu plus si les élus continuent à ne pas
écouter les messages qui leur sont transmis.
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Sortir par le haut (6,
7)
Il est
indispensable pour sortir du blocage actuel, qui ne peut que se durcir,
que :
-
les élus se mettent enfin à l’écoute et changent leur fusil d’épaule
en arrêtant de soutenir l’option aérienne au profit de l’option
souterraine ;
-
les opposants de leur côté arrêtent les manifestations sauvages,
inutiles et contreproductives : les tags NO THT sont dignes de voyous
(8)
et desservent clairement la cause soutenue ;
-
les opposants se concentrent sur la seule issue possible, à savoir
l’enfouissement de la ligne et arrêtent de parler de NO THT. Sinon c'est
l'assurance que le projet ira à son terme.
En
réalité, cette récupération politique révèle plutôt que les élus ont
largement sous-estimé l’opposition à la ligne THT aérienne et découvrent une
situation qui est en train de leur échapper. La tentation de vouloir la
marginaliser est évidente au vu des arguments à côté de la plaque. Ils
doivent revenir à la base, et la base, ce ne sont pas les entreprises, aussi
respectables soient-elles, mais les habitants. En démocratie, ce sont les
personnes physiques qui votent, pas les personnes morales. Il y a trop
d’exemples par les temps qui courent de « déni de démocratie » pour que l’on
n’en rajoute pas un autre, dans un département où jamais une telle situation
d’opposition n’aurait dû s’installer.
(1)
Lignes THT : les tensions de dimanche activent le monde politique, Le
Dauphiné Libéré, 10 mai 2016.
(2)
Lignes THT : l'ambiance vire aigre, Le Dauphiné Libéré, 8 mai 2016.
(3) Si certains mettent en doute l'opposition des populations, la solution
est très simple en démocratie, on revient aux fondamentaux en organisant un
référendum populaire comme déjà demandé. En posant bien sûr la bonne
question : « pour ou contre les lignes
aériennes », et non
« pour ou contre la THT ».
(4) Id.
(5) Sujet déjà traité ici :
« Pour l'enfouissement de la ligne THT
», Ligne THT - Le
ton monte.
(6) Voir aussi : Ligne THT - Une confiance qui
s'affaiblit.
(7) Voir aussi : « Soutenir les
habitants », Ligne
THT - Le ton monte.
(8) Comme le sont d'ailleurs les tags le long des routes lors des courses
cyclistes qu'aucun élu n'a jamais condamné. Après le passage du Tour
d'Italie la montée à Risoul sera probablement à photographier.
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Références :
Lignes THT : les tensions de dimanche activent le monde politique, Le
Dauphiné Libéré, 10 mai 2016.
Lignes THT - l'apéritif vire aigre, Le Dauphiné Libéré, 9 mai 2016.
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