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Pays des Écrins
À la croisée des chemins
Présentation et analyse
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Un environnement
exceptionnel
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Situé au nord-est du département des Hautes-Alpes, le
Pays des Écrins jouit du climat privilégié du Briançonnais marqué par
un fort ensoleillement et des ciels d’une luminosité exceptionnelle. Les étés
sont en général chauds et particulièrement secs depuis quelques années, malgré
des orages parfois violents en montagne. L’altitude, qui ne descend en dessous
de 1000 m qu’en fond de vallée à l’Argentière-la-Bessée et à la
Roche-de-Rame, assure des nuits fraîches qui contrebalancent les fortes
chaleurs de la journée. Les hivers restent froids et en général relativement
bien enneigés malgré une forte variabilité ces dernières années. Le printemps et
l’automne sont normalement les saisons humides, mais le déficit pluviométrique
s’amplifie d’année en année depuis au moins 5 ans. Hormis l’axe durancien, le
Pays des Écrins est relativement protégé des vents. La lombarde s’arrête à
la hauteur de Saint-Martin-de-Queyrières. Lorsque le vent du nord,
avant-garde du mistral provençal, souffle en altitude, faisant voler la
neige sur les crêtes l’hiver, la Vallouise et la vallée de
Freissinières
restent à l’abri, seuls Prelles et la vallée de la Durance jusqu’à
la Crête de la Balmette et le Serre des Fourches en ressentent les
effets, parfois fortement.
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Le cadre de montagne est majestueux avec, au nord, les sommets et
les glaciers du massif cristallin des Écrins qui culmine à 4102 m
; à l’est, le massif dolomitique de Montbrison ; au sud, le
chaînon calcaire qui, de Peyre Eyraute au Pic du Béal Traversier,
domine la vallée de la Durance ; à l’ouest, la masse gréseuse de la
Tête de Vautisse aux Petit et Grand Pinier qui bloque les
vents d’ouest. La situation des villages et hameaux dans les vallées préserve de
grands espaces naturels en altitude (1) qui constituent la grand richesse du
pays et dont le Parc National des Écrins assure la protection au
nord. Cet environnement naturel d’altitude exceptionnel avec la variété
et la beauté des paysages, des sites remarquables tel le Pré de Madame Carle,
la faune sauvage abondante malgré de sérieuses inquiétudes pour les tétraonidés,
la riche flore où les plantes alpines côtoient des espèces plus méditerranéennes
constitue l’atout essentiel et même existentiel du Pays des Écrins.
(1) comme les vallons du Fournel, de la Selle et
des Bans désignés zone spéciale de conservation Natura 2000.
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Néanmoins, il convient de rester vigilant car beaucoup de zones
naturelles de grand intérêt ne bénéficient pas de la protection du Parc ou des
zones Natura 2000. C’est le cas en altitude où des secteurs remarquables
comme la Combe de Narreyroux ou les pentes de la Blanche ne
bénéficient d’aucune protection et se trouvent menacés par des projets
d’extension des domaines skiables, au mépris de leur richesse paysagère,
floristique et faunistique (tétras-lyre et lagopèdes). C’est encore plus le cas
dans les vallées qui sont de plus en plus mitées par les constructions. Des
zones agricoles non constructibles font ainsi l’objet de projets en utilisant
une dérogation pour les gîtes ruraux ou d’étape. La structure paysagère en
villages doit être préservée. Outre, sa valeur patrimoniale, elle constitue une
image de marque de qualité particulièrement attractive. La Vallouise est
bien entendu la plus menacée. Pelvoux (1) et Puy-Saint-Vincent (2)
doivent réagir s’il en est encore temps, les Vigneaux doivent rester
attentif et Vallouise doit résister (3). La menace est encore diffuse à
la Roche-de-Rame mais pourrait s’accentuer dans l’avenir si les
résidences secondaires continuent à l’emporter sur les résidences principales
dans la Vallouise provoquant un transfert d’habitants principaux (4).
(1) le mitage est continu entre le Poët et les Claux
par des chalets qui restent souvent fermés la plus grande partie de l’année,
privant la commune de ses meilleures terres agricoles.
(2): Puy-Saint-Vincent, station de ski, a plus besoin de
lits marchands. Néanmoins, on peut concéder que les Preys et
Saint-Romain soit dévolus à des chalets individuels, mais la structure en
hameaux devrait être préservée entre le Puy et les Prés.
(3) Notamment aux Auches, au Pra des Naïs et dans
la ‘plaine’. Le POS est en cours de révision pour interdire le mitage des zones
non constructibles par des gîtes ruraux ou d’étape.
(4) Un effet pervers du tourisme discuté plus loin.
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Un patrimoine d’une
grande richesse
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Anciennes terres dauphinoises partagées entre le Briançonnais
et l’Embrunais, le Pays des Écrins est riche d’un patrimoine qui
remonte à l’époque romaine avec le site de Rama. Le Moyen Âge lui
a laissé des vestiges de châteaux à l’Argentière, Rame à nouveau,
et le Barri de la Bâtie, improprement appelé Mur des Vaudois.
Son patrimoine religieux est exceptionnel avec les majestueuses
églises briançonnaises à clocher lombard de Vallouise, les Vigneaux
et Saint-Martin-de-Queyrières et quantités de chapelles disséminées dans
les villages et les chalets d’alpage. Beaucoup de ces églises et chapelles
possèdent des fresques de toute beauté remontant la plupart au XVIe siècle :
Chapelle Saint-Romain, Chapelle Saint-Hippolyte de Bouchier,
Chapelle Saint-Jacques de Prelles, église de la Roche-de-Rame. Les
églises de l’Argentière et des Vigneaux partagent le cycle des
vertus, vices et châtiments.
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La visite des villages permet de découvrir un patrimoine bâti et
vernaculaire remarquable : les magnifiques maisons à arcades typiques de la
Vallouise mais également au Serre de Saint-Martin-de-Queyrières et à
Freissinières ; de nombreux cadrans solaires, à Sachas, Prelles,
les Vigneaux, Parcher, les Prés, Vallouise, le
Villard, Saint-Antoine ... ; de belles fontaines de village comme à
Saint-Martin-de-Queyrières et
Vallouise, dont la
place récemment refaite est l'une des plus belles des Alpes.
Chaque village possédait autrefois son moulin, il en reste
quelques uns à Dormillouse, Freissinières,
Saint-Martin-de-Queyrières, Bouchier, ... L’exploitation agricole
et l’alimentation en eau des moulins ont amené les anciens à construire un
entrelacs de canaux, patrimoine en voie de disparition en beaucoup de lieux. Le
site de
la Vignette rappelle l’ancienne culture de la vigne.
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Le Pays des Écrins se distingue par un patrimoine
industriel qui remonte loin dans le temps avec l’exploitation de filons
argentifères dans le vallon du Fournel dès le Moyen Âge et durant
le XIXe siècle. La production de houille blanche a marqué les premières
décennies du XXe siècle et a permis l’installation d’usines à L’Argentière
et à la Roche-de-Rame. Un circuit du patrimoine à l’Argentière
rappelle ce passé encore récent et plusieurs sites du pays viennent d’être
labellisés Patrimoine du XXe
siècle : le siphon de l’Argentière, l’Horloge des Hermes à
l’Argentière et la centrale hydroélectrique
des Claux. Saint-Martin-de-Queyrières possède en outre un
témoignage intact de l’utilisation de l’électricité pour le fonctionnement d’un
moulin et de scies artisanales à Saint-Sébastien.
Le Pays des Écrins, en partenariat
avec EDF, a reçu le label national de Pôle d’Excellence Rurale (PER) pour
son projet Pays des Écrins, Pays de l'eau permettant le
financement de diverses actions en vue de la valorisation des patrimoines liés à
l’eau.
Voir
Pays des Écrins, pays de l'eau, pays de la pierre.
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Une économie axée sur le
tourisme
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(a) Une agriculture marginalisée
Les activités agricoles sont malheureusement de plus en plus
marginalisées. Il n'y a plus beaucoup d'agriculteurs à la Roche-de-Rame,
l’Argentière-la-Bessée, Puy-Saint-Vincent. Quelques uns résistent et
même s'installent à Champcella,
Pelvoux,
Saint-Martin-de-Queyrières, Vallouise et les Vigneaux. Mais
seule la vallée de Freissinières reste agricole. Au lieu de faire vivre
l’agriculture et de s’appuyer sur elle comme en Savoie, en Suisse
ou en Autriche, ou même encore dans le Queyras voisin, il s'en est
fallu de peu ici que le tourisme la tue. Faute de politique foncière adaptée et
de réelle volonté politique, le laisser-faire des élus de l'époque et la volonté
de rupture avec le passé ont mis à mal ce qui aurait pu et dû constituer un
autre atout du Pays des Écrins.
L’impact sur les paysages en vallée est critique : mitage ou
disparition des anciens espaces agricoles bien exposés par une forte
rurbanisation comme à Pelvoux,
Puy-Saint-Vincent et dans une moindre mesure Vallouise, qui gagne
aussi la Roche-de-Rame ; fermeture des paysages par l’extension des zones
boisées. Plus haut aussi, la forêt s’étend. Plus exploités, les terrains se
dégradent. L’immense réseau de canaux rétenteurs des grosses pluies a d’ores et
déjà disparu.
Néanmoins, quelques niches résistent comme l’apiculture mais dans
une conjoncture difficile.
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Un pays sans agriculture est un pays mort. Une politique
volontariste pour non seulement la maintenir mais encore plus pour la développer
est d’une nécessité absolue pour assurer un véritable développement durable au
Pays des Écrins. Elle passe en premier lieu par la maîtrise du foncier à
travers les plans d’occupation des sols (POS) ou les plans locaux d’urbanisme
(PLU), ensuite par des incitations et des aides, probablement par la
pluriactivité, par des infrastructures dédiées, par la création d’un label de
qualité du Pays des Écrins, par la commercialisation par les enseignes
locales et sur les marchés, etc.
Ceci ayant été écrit d’un jet en quelques secondes, je n’imagine
pas toutes les idées qui pourraient être avancées pour faire bouger les lignes.
Ainsi, Puy-Saint-Pierre a créé une ferme communale. Un entrepreneur a
initié la culture d’orchidées et autres plantes d’ornement à Val-des-Prés.
Toutefois, le point bas est peut-être en train d'être dépassé
avec de nouveaux agriculteurs à Pelvoux, Saint-Martin-de-Queyrières,
Vallouise, les Vigneaux et le développement rapide de
l'agriculture bio qui constitue une excellente opportunité pour le Pays des
Écrins.
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(b) Une industrie traditionnelle en déclin
Le passé industriel du Pays des Écrins est riche, très
riche même, fondé sur l’utilisation de la houille blanche produite localement
dès les premières décennies du XXe siècle. Il n’en reste que deux industries
significatives, les Aciéries et Fonderies de Provence à l’Argentière
(AFP) qui sont en plein renouveau et Elsamétal à la
Roche-de-Rame qui se relance. Une stratégie de maintien semble
réaliste, mais celle-ci passe forcément par des investissements.
Le bâtiment et les travaux publics font vivre plusieurs
entreprises dont une au moins, Olive Travaux, n’hésite pas à
sortir du Pays des Écrins trop petit pour lui. La construction de chalets
individuels et de petits immeubles est en passe de ralentir, avec peut-être
moins de résidences secondaires mais plus de résidences principales dans les
communes de l’axe durancien, mais le relais est pris par des projets de
rénovation et de réhabilitation de l’habitat ancien. L’embellissement des bourgs
est une préoccupation importante des communes et beaucoup reste à faire.
L’entretien des routes est une activité permanente en pays de montagne. En
conséquence, le bâtiment comme les travaux publics devraient se maintenir avec
toutes les activités induites pour les artisans.
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(c) Un tissu commercial disparate
Il y a un fort contraste entre l’activité commerciale de
l’Argentière-la-Bessée, centre actif du Pays des Écrins, et de
Saint-Martin-de-Queyrières déjà dans la mouvance de Briançon d’une
part, et les vallées de montagne d’autre part.
L’Argentière offre une large palette
de commerces allant d’un supermarché Shopi et d’un magasin
Ed aux petits commerces. Le Pré du Faure à
Saint-Martin-de-Queyrières profite de sa proximité avec Briançon pour
accueillir un Intermarché. Divers projets sont en débat et
pourraient voir le jour prochainement.
Par contre, le tissu commercial des villages de montagne est
sinistré. Beaucoup de commerces ont irrémédiablement fermé. L’Épicerie
de Freissinières n’a pu se maintenir, laissant bien seule la
boulangerie-pâtisserie à l’Aigle Doré, elle-même en sursis.
La situation de la Vallouise est intermédiaire. La station
de Puy-Saint-Vincent possède évidemment des commerces saisonniers, c’est
plus dur dans les hameaux et même à Pelvoux et aux Vigneaux. Un
magasin Sherpa a bien été relancé aux Essarts à Pelvoux,
mais il manque véritablement un commerce à Saint-Antoine depuis la
fermeture de la supérette. Les commerces d’Ailefroide, bien achalandés,
par le camping ne sont ouverts qu’en saison estivale. Les habitants des
Vigneaux vont à l’Argentière, ceux de Pelvoux à Vallouise
où un tissu commercial, complet et dynamique, se maintient bien. Mais les
grosses courses se font à l’Argentière ou à Briançon où
l’installation prévue d’un Carrefour ne devrait pas trop changer
la donne actuelle.
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Deux associations actives regroupent les
Enseignes du Pays des Écrins et les Métiers de la Vallouise
et organisent diverses manifestations comme la Fête de la Montagne.
Vallouise accueille chaque jeudi
matin d’été le plus important marché fruits et légumes et forain de la région.
Très fréquenté, c’est l’événement de la semaine dans la Vallouise où il
faut être vu, sans manquer le café aux Vallois ou la bière chez
Alphand. Les prix rencontrés sont toutefois notablement plus élevés
que ceux que l’on peut trouver sur le marché de Bardonnèche le samedi
matin. Le marché de Vallouise est plus réduit le reste de l’année et sans
les forains. Si on l’a manqué, on peut se rattraper à celui plus réduit de
l’Argentière le vendredi matin, qui prend sa revanche en dehors de l’été.
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(d) Un artisanat actif
Le bâtiment induit la présence d’un artisanat actif avec de
nombreuses petites entreprises dans la plomberie, l’électricité, la menuiserie,
la jardinerie, ...
Le tourisme a aussi permis le développement de petites activités
autour de l’agro-alimentaire. Le soutien à l’agriculture de montagne devrait
aussi renforcer ce secteur qui doit pouvoir mieux faire.
Par contre, il n’a pas entraîné un artisanat d’art ou alors de
façon assez limitée (poteries, ...).
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(e) Un tourisme moins triomphant
Le tourisme constitue la principale activité économique du
Pays des Écrins. Mais de façon un
peu imprudente, il a plus ou moins mis tous ses
oeufs dans le même panier et en dépend presque entièrement. Néanmoins,
contrairement à d'autres régions alpines, la part du tourisme d'été est
importante face au tourisme hivernal. Directement ou indirectement, une grande
partie de ses habitants en vivent, soit parce qu'ils exercent dans les métiers
touristiques : hôteliers, restaurateurs, guides, accompagnateurs, moniteurs de
ski, etc. ; soit parce qu'ils travaillent dans des métiers connexes :
commerçants, artisans, promoteurs, constructeurs, etc. ; soit par la location de
meublés.
Tendances
Le Pays des Écrins, comme toutes les régions de montagne,
est confronté aux deux grandes tendances actuelles : d’une part la montagne fait
moins recette l’été, d’autre part les activités hivernales sont menacées à la
fois par la concurrence d’autres destinations et les aléas climatiques.
Il résisterait plutôt bien l’été dans la région. Certes, il y
aurait moins de monde, les loueurs le ressentent, et les touristes dépenseraient
moins. Mais son climat favorable, son environnement préservé, l’attractivité de
ses sites phares et une grande variété d’activités permettent de garder peu ou
prou le sourire. Mais la saison reste trop concentrée sur quelques semaines.
En hiver, sous réserve d’enneigement correct, les stations de
Puy-Saint-Vincent et Pelvoux-Vallouise ne tirent leur épingle du jeu
que durant les périodes de vacances scolaires, les nôtres et celles de nos
voisins souvent en décalage. Il n’y a pas vraiment foule en dehors de ces
périodes.
Cette année 2008, correctement enneigée, compense heureusement
l'année 2007 un peu boudée par les amateurs de neige. Toutefois, s'il y a du
monde en station, il y a peu de monde sur les pistes de Puy-Saint-Vincent
au plus fort des vacances scolaires.
Faiblesses
Aux tendances communes à tous les massifs alpins s’ajoutent des
facteurs d’ordre structurel ou conjoncturel propres au Pays des Écrins et
qui sont autant de faiblesses :
(1) Le Pays des Écrins souffre d'un enclavement
important. Les liaisons routières et ferroviaires d'un autre siècle constituent
un handicap majeur, voire dissuasif avec l'augmentation du coût du transport.
Heureusement la proximité avec l'Italie offre à Briançon une gare
ferroviaire internationale qui met Paris à moins de 6 heures en TGV.
Comme prévu, la rocade d'Embrun, avec son rond point
inadapté à l'aval, est inopérante et est même devenue un nouveau point noir.
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(2) Le Pays des Écrins n’existe pas en tant que
destination touristique. La destination est le Briançonnais. La
notoriété, mesurée sur internet, va à Vallouise, à Pelvoux et à
Dormillouse l’été ; à Vallouise, à Pelvoux et à
Puy-Saint-Vincent l’hiver.
Il est difficile de corriger le tir. Cela nécessiterait un
investissement énorme en communication pour un résultat éloigné dans le temps et
très incertain, car les Écrins sont d’abord associés au Parc
National et au massif, pas à un pays. Il vaut donc mieux s’appuyer sur
la notoriété des lieux cités. Serre Chevalier peut se permettre de gommer
les villages, le Pays des Écrins ne le peut pas.
Néanmoins, la stratégie ne peut qu'être communautaire, tant
aucune commune n'est en mesure de faire cavalier seul, et doit tirer profit des
atouts de chacune d'entre elles.
La candidature aux JO de 2018 qui aurait pu éventuellement
changer la donne entérine au contraire la notoriété supérieure des villages sur
le pays.
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(3) Le Pays des Écrins n’a pas encore effectué sa
révolution culturelle concernant le tourisme hivernal. Il ne semble rien
y avoir en dehors des stations de ski de piste de Puy-Saint-Vincent et de
Pelvoux-Vallouise. Depuis sa création, la station de Puy-Saint-Vincent
est focalisée uniquement sur le ski de piste et ses dérivés et a toujours
négligé les autres activités possibles, y compris après-ski. Ses projets actuels
ne concernent encore que les premiers sans aucune prise en compte de l’évolution
de la « demande de la clientèle qui n’est plus uniquement centrée sur le
tout-ski » (Luc Chatel, secrétaire d’État au tourisme) et des
impacts du changement climatique.
Cette image, malencontreusement mise en avant dans le SCoT,
pourrait vite jaunir. D’une part, la réflexion avance, influencée par les
exemples de ce qui se fait ailleurs, en Autriche notamment. Mais à un
moment donné, il va bien falloir passer de la réflexion et des discours à
l’action. D’autre part, des pionniers ont lancé de nouvelles activités comme
l’escalade sur glace (ice climbing) et le parcours de cours d’eau gelé (ruisseling).
L’escalade sur glace connaît même un grand succès dans la région avec le
rassemblement annuel des glaciaires en janvier à l’Argentière-la-Bessée.
A contrario, les montagnards doivent s’employer à préserver les domaines de ski
hors piste et de ski de montagne qui font la renommée de la Vallouise,
menacés par l’extension des domaines skiables de Puy-Saint-Vincent et de
Pelvoux-Vallouise. La Combe de Narreyroux et les pentes de la
Blanche sont dans le collimateur du tout-ski de piste.
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(4) Le Pays des Écrins n’a pas défini son image
de marque et donc ses cibles touristiques. Les Orres, Serre
Chevalier, Vars ont annoncé la couleur, c’est le haut de gamme
(1), ou dit plus crûment, la sélection par le pouvoir d'achat. Le Pays
des Écrins semble hésiter entre la clientèle familiale durant les vacances
et la clientèle sportive en dehors. Les atouts ne manquent pas pour cibler les 2
clientèles et, en particulier, pour se donner une image sportive : le niveau de
ses nombreux clubs (2), ce qui associe sa population ; les compétitions ou
manifestations qui y sont organisées en sports d’eau vive, escalade de glace,
ski, snowboard, ski de montagne, alpinisme ...
On pourrait ajouter une troisième clientèle, la clientèle
culturelle avec les festivals de musique, les journées du livre, le musée des
mines, la richesse du patrimoine.
Une image familiale, sportive et culturelle,
c’est assez complet, cela touche tous les âges et cela évite une trop forte
ségrégation par l’argent ...
(1)
Montgenèvre voudrait bien en faire autant mais ce lui sera difficile tant
que ses clients venant d’un côté ou de l’autre devront s’énerver derrière les
camions.
(2) que ce soit en sport d'eau vive, en ski et snowboard (E.S.
Vallouise, Écrins Snowboard avec entre autres un membre de
l'équipe de France, Pierre vaultier, en course pour la victoire en
coupe du monde), ou en ski de montagne (Team Hautes-Alpes Écrins
avec notamment Laetitia Roux, championne de France 2008 et
championne du monde espoirs 2008 et
Nicolas Bonnet, 6e aux championnats de France 2008).
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(5) D'une part, les stations de ski de la Vallouise
ont pris du retard de façon générale dans la modernisation de leurs remontées
mécaniques, et d'autre part, Puy-Saint-Vincent souffre à la fois de
l'image de marque vieillissante de sa grande barre à l'architecture dépassée et
d'un retard criant dans la qualité des prestations offertes à ses clients,
notamment au niveau du stationnement et de l'agencement de la station. Il faut à
l'évidence privilégier l'amélioration qualitative des hébergements, des
équipements et de la structure des stations plutôt que l'augmentation
quantitative d'un domaine skiable très loin d'être saturé (1) et que la vétusté
de certains équipements ne permet pas d'utiliser de façon optimale.
(1) Les pistes de Puy-Saint-Vincent n'ont ainsi pas fait
le plein durant les vacances scolaires de février 2008 malgré la météo très
favorable et les très bonnes conditions de neige.
La démarche de modernisation est bien entamée à
Puy-Saint-Vincent avec le remplacement progressif des vieilles remontées,
elle va démarrer à Pelvoux-Vallouise. Pelvoux a récemment
structuré son front de neige tandis que Puy-Saint-Vincent a préféré
augmenter de façon importante son parc immobilier plutôt que procéder à une
rénovation délicate du parc existant (1). Une des raisons de ce choix résulte de
l'erreur stratégique initiale d'avoir privilégié les lits froids aux lits
marchands dans les premières décennies de la station. En quelque sorte, d'avoir
fait de l'immobilier et non du tourisme pour reprendre les termes du maire
des Gets. Il a donc bien fallu trouver un meilleur équilibre. Mais ce nouvel
équilibre au niveau de la station a créé un déséquilibre de l'offre de meublés
au niveau de la vallée qui pénalise durement les loueurs. La stratégie ne
saurait donc être qu'au niveau communautaire et non communal.
(1) La création de Puy-saint-Vincent 1800 ne s'est pas
traduite par un meilleur agencement de la station. Par exemple, aucun chemin
piétonnier ne permet d'aller et venir dans la station qui reste une
juxtaposition de résidences et de petits parkings mal agencés. Dommage, car les
bâtiments en eux-mêmes, souvent de gros chalets, sont plutôt réussis. Là encore,
l'immobilier a pris le pas sur la station.
Stratégie
De toute façon, l’âge d’or du tourisme où la demande devait
s’adapter à l’offre est révolue. Maintenant, c’est l’inverse, c’est l’offre qui
doit s’adapter à la demande :
Le client veut un seul interlocuteur pour le logement, fini donc
de devoir téléphoner à ‘n’ personnes qui ne répondent pas ou qui ont déjà loué.
Une centrale de réservation sur internet est l’outil idoine.
Il ne veut pas de mauvaise surprise, d’où la nécessité d’une
classification des hébergements en fonction des éléments de confort.
Quelle que soit la prestation, la qualité de l’accueil et du
service est primordiale.
L’exigence du meilleur rapport qualité-prix doit être prise en
compte par tous les prestataires : par exemple, il faut arrêter de le prendre
pour un gogo avec des demi-bouteilles à 80% du prix de la bouteille (1) ; des
forfaits 3 heures à plus de 80% du forfait journée (2) ; des portions de frites
à 6 € !
Il est versatile et un peu touche à tout. Il faut pouvoir lui
proposer diverses activités, en été comme en hiver. En hiver, il vient bien sûr
d’abord pour skier, mais pas uniquement, il vient aussi pour la nature et pour
pratiquer d’autres activités.
Le client fait jouer la concurrence. Il n’y a plus de situation
acquise et le Pays des Écrins et tous les acteurs doivent en permanence
se remettre en cause et accepter de changer et d’innover.
(1)
Demi
correspond à moitié donc 50%. Un restaurant gastronomique briançonnais se
situe même à moins de 50%, donc c’est possible.
(2) Si on considère qu'une journée de ski moyenne correspond à 5
heures, les forfaits 3 heures et 4 heures ne devraient pas représenter
respectivement plus de 60% et de 80% du forfait journée, lequel place déjà
Puy-Saint-Vincent parmi les plus chères au prix aux 10 km de pistes -
voir Forfaits de ski.
Diminuer les forfaits 3 heures et 4 heures permettrait de ramener sur les pistes
des skieurs qui souhaitent payer au temps passé et diversifier leurs activités.
_______________
La stratégie devrait s’organiser en 4 axes :
(1) La qualité de l’accueil et des prestations qui
doit être une préoccupation constante (1).
Les efforts
de l’OTPE dans ce sens et ses labels méritent d’être soulignés.
L’accueil, c’est aussi bien une centrale unique de réservation
pour tout le Pays des Écrins pour des hébergements classifiés et
labellisés que la facilité de stationnement à l’arrivée des vacanciers.
(2) La modernisation indispensable des équipements
en ce qui concerne le ski alpin et ses dérivés. De nouvelles remontées visant à
étendre le domaine skiable ne se justifient pas en l’état, seulement pour
exploiter le domaine existant de façon éventuellement plus rationnelle.
(3) La diversification des activités est
incontournable, non seulement en hiver mais aussi en été et le reste de l’année.
(4) La mobilisation de toutes les forces vives du
pays autour de la stratégie de développement touristique pour que tout le monde
tire dans le même sens. Par exemple, les
socioprofessionnels qui se sentent directement concernés par la politique
touristique mise en oeuvre sur le territoire, ont obtenu d'être représentés au
CA de l'OTPE.
(1) Bien noter que la qualité perçue par le client est en réalité
le rapport qualité-prix, à savoir tout ce qui concourt à la satisfaction de ses
exigences explicites et implicites au plus juste prix.
Effets pervers
Le tourisme, actuellement globalement bénéfique pour le
développement économique de la région, a toutefois trois effets pervers qui,
s’ils étaient mal maîtrisés, pourraient avoir un véritable effet
auto-destructeur.
_______________
(1) Tourisme et population
Le tourisme provoque une pression foncière importante et une
augmentation forte du coût du logement pour les résidents principaux, pouvant
entraîner leur départ pour des villages moins touristiques. Si Chamonix
et Megève sont les caricatures du phénomène, il est apparu dans la vallée
voisine de la Guisane où la population de la Salle les Alpes a
baissé de 1,7 %. Dans le Pays des Écrins, la population stagne à
Puy-Saint-Vincent, alors qu’elle croit fortement à la Roche-de-Rame
et à
Saint-Martin-de-Queyrières, moins touristiques,
encore que pour celle-ci le report puisse venir de Briançon et de la
vallée de ... la Guisane. Vallouise, aux
activités plus diversifiées, se renforce, mais pas forcément en actifs. Le
tourisme, souvent justifié comme la seule solution pour continuer à vivre au
pays, pourrait causer en fait la mort des villages sans anticipation vigoureuse
du phénomène par les collectivités locales. Il y a donc grand danger à
mettre tous ses oeufs dans le même panier en ne dépendant plus que du tourisme
pour faire vivre le pays, alors que le tourisme en question recèle en lui la
destruction de sa raison d’être initiale (voir note en
marge).
_______________
(2) Tourisme et emploi
La saisonnalité des activités touristiques permet mal d’assurer
des emplois pérennes et permanents à la population locale. Du coup, le tourisme
est synonyme de précarité sur le plan de l’emploi, ce qui aggrave d’autant le
problème du logement déjà mentionné (voir note en marge).
De toute façon, une politique du tout-ski n'est plus susceptible
de générer de nouveaux emplois pour les locaux, au contraire. C'est un leurre de
lier l'emploi au développement du ski de piste. Seules de nouvelles activités et
de nouveaux services, plus qualitatifs et si possible moins saisonniers, peuvent
permettre de créer de nouveaux emplois (voir note en
marge).
_______________
(3) Tourisme et environnement
L’urbanisme en montagne avec de nombreuses constructions, souvent
mal intégrées, et l’industrie du ski portent un coup terrible aux paysages qui
sont justement l’attrait touristique n°1 du Pays des Écrins.
Peut-être encore plus grave, les terrassements de pistes de ski dans les forêts
et leur extension en altitude détruisent des sites remarquables et des biotopes
de grandes richesses faunistique et floristique. Les secteurs de Tournoux,
de la Blanche, du Bois des Coqs et l’emblématique Combe de
Narreyroux sont concernés.
_______________
On touche là au coeur de la problématique du développement
durable qui doit avant tout permettre d’habiter et de travailler au pays et
de préserver l’environnement et le cadre de vie. Le développement durable
prôné par le Pays des Écrins devrait le protéger de ces effets pervers
générés par le tourisme immobilier et financier.
Le tourisme dans une optique de
développement durable est un facteur d'enrichissement du pays et de ses
habitants permanents, alors que le seul immobilier, qu'il soit en immeubles
collectifs comme dans les stations de Puy-Saint-Vincent ou en chalets
individuels comme à Pelvoux et encore dans les hameaux de
Puy-Saint-Vincent, est un facteur de paupérisation d'une partie de la
population qui ne peut plus se loger et de désertification du pays.
_______________
(f) De nouvelles activités encore timides
Le Pays des Écrins recèlent des potentialités qui restent
à exploiter.
Dans la production d’énergie renouvelable. Le solaire est
sous-exploité. La délocalisation d’Hélios laisse le champ libre
pour de nouveaux entrepreneurs. La filière bois souvent évoquée est inexistante.
La dernière menuiserie à Vallouise a fermé depuis plusieurs années.
Le captage des sources, abondantes dans la région, et leur mise
en bouteille ne progressent pas. Mais peut-être est-ce mieux ainsi car ajouter
du transport au coût élevé et la production de bouteilles en plastique à une
simple eau de source, fût-elle de montagne, apparaît être du gaspillage dans une
optique de développement durable.
Le travail à domicile (homeshoring), semble bien timide.
Pourtant, l’utilisation des nouvelles technologies de communication devrait
permettre son développement lorsque l’ensemble du territoire y aura
accès.
_______________
De fait, les interrogations sont grandes encore sur la nature
même du tourisme durable en montagne et sur sa saisonnalité et sur les métiers
de demain, comme l'indiquent les nombreux colloques sur le sujet,
ainsi les 4es Rencontres régionales de la montagne, sur le thème
« La montagne de demain en débat, les acteurs ont la parole » le 24 avril 2008 à
Marseille.
______________________________
Une population en
croissance
_______________
Les résultats du recensement en cours montrent une croissance
globale mais très contrastée de la population.
|
1999 |
2005/6/7 |
D% par an |
L'Argentière |
2325 |
2304 |
-0,1 % |
Champcella |
142 |
166 |
+ 2,3 % |
Freissinières |
169 |
183 |
+ 1,1 % |
Pelvoux (recensement en
2008) |
(408) |
nd |
|
Puy-Saint-Vincent |
271 |
285 |
+ 0,7 % |
La Roche-de-Rame |
679 |
788 |
+ 2,1 % |
Saint-Martin-de-Queyrières |
936 |
1100 |
+2,7 % |
Vallouise |
632 |
717 |
+1,6 % |
Les Vigneaux |
392 |
453 |
+2,1 % |
Total |
(5954 )
5546 |
5996 |
|
Source :
INSEE - Janvier et juillet 2007, janvier 2008 |
La Roche-de-Rame, Champcella,
Freissinières rebondissent, Puy-Saint-Vincent plafonne,
L'Argentière stagne, Vallouise, les Vigneaux et
Saint-Martin-de-Queyrières poursuivent leur croissance.
Plusieurs paramètres ont déjà été évoqués
concernant la Roche-de-Rame, Saint-Martin-de-Queyrières et
Puy-Saint-Vincent. Le sur-place de l'Argentière, après le rebond des
années 1990, surprend, mais une partie de sa base arrière se trouve aux
Vigneaux qui progresse bien.
Avec Pelvoux, la population devrait
être de l'ordre de 6400 à 6450, contre 6000 en 1990
(1).
Elle est extrapolée à près de 10 000 personnes d'ici 2020 par les élus
dans le SCoT, ce qui semble irréaliste en l'état. 7500 à 7800 habitants en 2015
et 8100 à 8500 en 2020 apparaissent des estimations plus cohérentes.
(1) On voit les limites d'un recensement
local qui s'étale sur 3 ans, on ajoute et compare des populations à des dates
différentes.
Le tourisme a provoqué un fort
renouvellement de la population. Un grand nombre d'acteurs touristiques et
d'entrepreneurs ne sont pas originaires du pays. Même les guides de haute
montagne ne sont plus de la vallée. Plusieurs investisseurs sont originaires
d'outre-Manche, quelques uns se sont installés. Un certain nombre de résidents
secondaires deviennent permanents à l'issue de leur carrière professionnelle et
assurent un regain d'activité dans des villages comme Vallouise.
______________________________
L'avenir appartient toujours au Pays
des Écrins, ses atouts ne peuvent que lui permettre de réduire voire
supprimer ses faiblesses. Pour cela, il lui faut résolument adopter une
stratégie de développement concrètement durable, qui préserve son
environnement et ses villages, condition sine qua non du maintien de son
attractivité ; qui, tout en diversifiant les activités touristiques, offre des
conditions propices au développement de l'artisanat et de nouvelles activités ;
qui s'accroche au maintien voire au développement de sa structure commerciale et
d'une agriculture de montagne de qualité.
Tout en s'appuyant sur les
complémentarités et les richesses de chacune de ses communes, il doit avoir une
approche globale tournée vers l'avenir, qui dépasse les clivages locaux hérités
du passé, qui intègre les évolutions touristiques et les impacts prévisionnels
du changement climatique.
Articles connexes
Innover [dans]
les Alpes
Le Pays des Écrins accueillera, du
11 au 14 juin 2008 la seconde édition de la Semaine Alpine, rencontres
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3e rapport
sur l'état des Alpes
Le nouveau rapport sur l'état des Alpes de
la Commission Internationale pour la Protection des Alpes (CIPRA), intitulé «
Nous les Alpes ! Des femmes et des hommes façonnent l’avenir », montre comment
des personnes motivées œuvrent tant pour la protection que pour le progrès
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Schéma de
Cohérence Territoriale du Pays des Écrins
L'attractivité des stations de sport d'hiver
Tourisme,
Immobilier et Environnement
Promotion du
hors-piste
Le climat et les Alpes en mutation
Éco-ski responsable
Les canons à neige assécheraient les Alpes
Le piège des résidences de tourisme