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Photo Rogier Van Rijn,
L'Argentière-la-Bessée, Pic de Peyre Eyraute. -
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pour une version agrandie. |
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Le lancement de la marque de destination « Alpes » et du concept
« PureAlpes » par la région Provence-Alpes-Côte d’Azur a suscité beaucoup de
réactions, pas toujours positives surtout concernant le slogan
« PureAlpes ».
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Les deux lancements ne se situent pas au même niveau, on a d'une part le
lancement de la marque « Alpes » pour promouvoir la destination des Alpes du
Sud, d’autre part le lancement du concept de 'puritude' appliqué à la marque
en tant que support de communication.
L’idée de lancer des marques pour promouvoir une destination touristique est
plutôt une bonne chose (1), à
condition qu’il s’agisse d’une destination touristique territorialement
définie.
C’est le cas pour les marques « Côte d’Azur » et « Provence » qui
correspondent à cette définition. Cela ne l’est pas pour les marques « Sud »
pour la région et « Alpes » pour les Alpes du Sud.
La notion de « Sud »,
outre qu'elle ne permet pas une communication à l'international, est
vague et ne colle pas à la région, puisque le sud du territoire national
couvre trois régions dont deux descendent plus au sud que
Provence-Alpes-Côte d’Azur. De même les Alpes, sont bien plus vastes que les
Alpes du Sud.
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Par contre, une marque « Alpes » est une excellente chose à l’international,
mais pour promouvoir la destination globale que constituent les Alpes
françaises au territoire défini (avec une bonne communication, on devrait
même arriver à lever toute ambiguïté sur le pays concerné).
La promotion touristique des Alpes à l’international ne doit pas s’inscrire
dans une approche régionaliste, voire ‘départementaliste’. Les destinations
touristiques sont une chose et les subdivisions administratives (régions,
départements) en sont une autre, dont les touristes n’ont pas à se
préoccuper. Plus on regarde le territoire de loin, moins les destinations
touristiques sont locales, départementales, régionales, et même nationales
vues de Chine ou des États-Unis (pour un Japonais, les Alpes sont
européennes). Déjà au niveau national, les départements alpins de
Provence-Alpes-Côte d’Azur sont méconnus. Si on veut en faire la promotion,
y compris en France, il faudrait leur donner une marque propre qui reste à
trouver avec une communication qui permette clairement de les différencier
des départements nord-alpins. Ce ne peut pas être le cas avec une marque
« Alpes » générique. D'ailleurs, l'Isère reprend la balle au bond avec sa
marque* « Alpes IsHere ».
Alors where is Alpes ?
Here, there or aniwhere ?
Parmi les départements alpins, il n’y a guère que la Savoie, et encore
associée à la Yaute en tant qu’ancienne province, qui soit une destination
touristique. L’Isère*, les Hautes-Alpes, les Alpes-de-Haute-Provence, les
Alpes-Maritimes ne sont pas des destinations touristiques en tant que
telles. Par contre, à un niveau inférieur, des territoires de ces
départements sont des destinations touristiques ! Vouloir faire rentrer la
géographie touristique dans la géographie administrative ne peut que
conduire à une impasse. Soit elle est plus large, soit elle est plus
restreinte, suivant le niveau de granularité auquel on se situe.
* L'exemple de l'Isère, qui lance sa marque « Alpes
IsHere », montre que c'est la démarche à la
mode avec l'inconvénient que toutes les communications sont les mêmes, il
suffit de comparer les vidéos de présentation pour constater les
similitudes. Quant au slogan, « Alpes IsHere -
Source de hauteur », on s'interroge !
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Le support médiatique « PureAlpes », incluant ses diverses déclinaisons
(2), se situe à un niveau très
inférieur. Il n’est pas indispensable à la marque et on peut en changer à un
rythme plus élevé. Tel quel, celui-ci est un mauvais jeu de mots qui mêle
anglais et français et qui ne veut rien dire (3).
En français, il va vite aboutir à un « puralpes » inaudible. Ses fondements
reposent sur de surprenants a priori qui associeraient la pureté à la
montagne, dans une approche spirituelle et religieuse.
C’est toujours la même communication touristique d’opérette où
« tout le monde, il est beau, il est gentil, dans le meilleur des
mondes », un monde, idéalisé, dépersonnalisé, situé ailleurs ou
nulle part : le même de partout, avec les choses dans un
ordre immuable avec forcément le paradis en haut et l’enfer en bas.
La réalité est tout autre, il y a de l’air pur au bord de la mer
(heureusement pour la marque « Côte d’Azur » !) et de la pollution
en altitude (cf. la pollution importée d'Italie constatée jusqu'à
L'Argentière-la-Bessée en octobre 2017 (4))
et tout n’est pas rose loin de là dans nos vallées : eh oui,
surprise, il y a des gens qui y vivent, mais il faut les cacher dans
ce type de communication. Nos communicants de bureaux devraient tout
de même savoir que les touristes ne se laissent plus berner par ce
genre de message et que les habitants en rient jaune
(5). « ImpureAlpes » n’a d’ailleurs pas
tardé à apparaître tant ce monde idéal et parfait n’existe pas, tout
simplement. Par exemple, comment justifier le Rallye de Monte-Carlo
dans des Alpes pures
(6) ?
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Ce slogan est de la même veine que les « Alpes latines », les « Alpes
vraies », les « Alpes naturelles » (« Hautes-Alpes naturellement »), sans
influence sur les touristes. Il connaîtra le même sort qu’eux, avant
peut-être « singleAlpes », puisque un « single malt » est ‘plus pur’ qu’un
« pure malt » ou pourquoi pas, « Lofty
Alpes » ! Dommage qu’il serve de fil
conducteur au site internet qui, en première lecture, est plutôt réussi.
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Autrement dit, n’étant pas indispensable à la marque, on peut se passer d’un
slogan, qui n’empêche pas de faire une bonne communication par ailleurs !
Quant à la marque « Alpes », il faut élargir son champ à toutes les Alpes,
sans distinction arbitraire nord-sud … ou en trouver une autre.
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(1) Sous
réserve que l’on ne vienne pas ensuite nous chercher des poux dans la tête
parce que l’on aura utilisé les mots ‘sud’ et ‘Alpes’ sans autorisation !
(2) La liste
n'est pas exhaustive et va probablement s'enrichir : pure mountains, pure
valleys, pure lakes, pure light, pure sun, pure nature, pure, snow, pure
moments, purepeople, pure activities, pure heritage. Il manque pure
experience, mais il va vite être rajouté.
Le concept n'est
d'ailleurs pas nouveau, cf. les produits cosmétiques de
Pure Altitude, à Megève, en Haute-Savoie.
D'ailleurs,« purealpes »
est plus un slogan d'eau de source que d'une destination touristique.
(3) Que cela
ait un sens ou non est d’ailleurs indifférent dans le cadre d’un enfumage.
Cf. les contresens de la 'smartitude'.
(4)
La pollution de Turin atteint L'Argentière,
Vallouise Magazine, 21 octobre 2017
(5) Les uns
s’énervent des contre-vérités incluses et les autres, prêts à accepter
n’importe quoi, s’énervent des critiques ! Le slogan pourrait même devenir
caricatural et contreproductif.
(6) Ce n'est
pas le rallye en lui-même qui pose question mais la cohérence de son
existence dans une approche « PureAlpes » ou la
pertinence et la solidité du concept.
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Références :
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