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Anthropologie des Populations alpines

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6e Université Européenne d'Été - Juillet 2003

Plantes qui nourrissent, Plantes qui guérissent

Les Causeries en Montagne - 18 août 2005 - Sabenca de la Valéia - Barcelonnette

Relations entre les hommes et les plantes médicinales

Des pratiques empiriques aux pratiques scientifiques

Sommaire

Introduction

Historique

1.  Les pratiques empiriques

La Thériaque

La théorie des Simples

La théorie des Signatures

2.  Les pratiques populaires

3.  Les pratiques scientifiques

Conclusion

Bibliographie

Conférence

Introduction

Notre propos se limitera à un survol de l’évolution des relations hommes/plantes, des pratiques empiriques aux essais thérapeutiques actuels, en corrélation avec les principes actifs recelés dans les plantes médicinales.

Presque tous les produits utilisés par les hommes pour soulager leurs maux ont trouvé leur origine dans le végétal. Sans doute aussi ancienne que la conscience humaine, la correspondance entre les plantes et la vertu des éléments naturels, à des fins thérapeutiques, est illustrée par cette citation d’Hippocrate (vers 460-vers 377 av. J.-C.), « La nature est le médecin des malades » (IV° siècle av.-J.-C. Les épidémies). Ce fut l'un des seuls à ne pas associer la démonologie aux pouvoirs thérapeutiques des plantes.

Tantôt inspiré par le fruit de l’empirisme et des observations transmises au fil des générations, tantôt soumis à des pratiques de magie et de superstitions, l’art de guérir a montré un grand développement au cours des différentes époques.

Certains anthropologues pensent que nos ancêtres ont systématiquement goûté toutes les plantes sauvages qui les environnaient et en ont déduit leurs avantages et leurs inconvénients. Les découvertes archéologiques, grâce aux pollens fossiles, font remonter les sources de ces connaissances thérapeutiques à la préhistoire (2002, 4° congrès Européen d’Ethnopharmacologie). Toutefois, l’homme a eu aussi recours aux animaux ou à des produits d’origine animale, ainsi qu'à des minéraux, dont l’efficacité est également attestée depuis la plus haute Antiquité.

Aujourd’hui, les médicaments ne sont plus composés uniquement de molécules naturelles, les molécules de synthèse entrent pour une part importante dans leur fabrication. Cependant, la première obligation de justifier leur efficacité devient inévitable avec le Code de Nuremberg (1947), mais ces modifications s’avérèrent insuffisantes à l'égard du respect éthique de l’homme. En France, la loi Huriet-Sérusclat, votée le 20 décembre 1988, conditionne les essais thérapeutiques, de la découverte d’une molécule candidate,  biologiquement active, jusqu’à son autorisation de mise sur le marché (A.M.M) sous forme de médicament.

Des pratiques empiriques jusqu’à l’obligation de mesurer l’efficacité des traitements actuels, le parcours fût considérable.

 

Historique

Les plantes médicinales font partie du savoir de base de toutes les sociétés humaines. La médecine anthroposophique percevait les plantes dans ses relations avec le cosmos. Théophraste, (de son vrai nom Tyrtamos) dit Theophrastos « divin parleur » (v.372-278 ou 288 ? av.-J.-C.), Dioscoride (1° siècle après J.-C) ou Pline l’Ancien (23-79) ont porté un intérêt particulier à cette « science aimable » qu’est la botanique, décrivant et nommant des plantes ainsi que leurs vertus thérapeutiques. Théophraste décrit de nombreuses plantes grecques et étrangères dans son ouvrage intitulé Histoire des plantes, il mentionne leurs divers usages et établit la première classification des plantes. Cet ouvrage sera repris plus tard par Charlemagne ( ? 742-814), qui recommandait la culture de 88 plantes médicinales, dans un de ses Capitulaires. Il tenta d'élever le niveau intellectuel du clergé en créant des écoles religieuses où l'étude des plantes curatives était la base de l'enseignement médicinal. Dioscoride, médecin grec (dit Pédanius) fut considéré comme le père spirituel de la pharmacognosie (étude des médicaments d'origine animale ou végétale), il inventorie 520 espèces de plantes dans la Matière Médicale (De Materia Medica), donnant synonymes, origine, mode de récolte, préparation et application médicale de chaque plante. Ce traité fit autorité en Europe jusqu'au Moyen Age. Pline l'Ancien, naturaliste et écrivain latin, cristallisa une idée, dont on devrait retrouver l'origine en Grèce antique mais qui devait exister dans d’autres cultures, que Paracelse énoncera sous la théorie des Signatures. (Paracelse répartissait les plantes médicinales selon 7 groupes en rapport avec les 7 planètes en relation avec les 7 couleurs de l’arc-en-ciel).

Soigner est un Art dont la nature fournit les principes essentiels. Les médecins et les prêtres en furent les premiers utilisateurs ; par la suite, la botanique fut longtemps réservée aux femmes, car considérée comme peu virile.

 Les plantes comme thérapie

Dans un passé reculé, La Plante est considérée avec respect du fait de son alliance avec les forces de guérison. Presque tous les produits utilisés par les hommes pour soulager leurs maux procèdent de la découverte du pouvoir des plante, les pratiques empiriques émanent de réflexions et d’expériences. Les grandes découvertes (théorie des Simples, théorie des Signatures…) sont faites à partir d’observations et d’hypothèses « ad hoc », tandis que les pratiques populaires paysannes et montagnardes s'en tiennent, tout d'abord, à des préparations où les Simples tiennent une place prépondérante.

 

1. Les  Pratiques Empiriques

L’école des empiriques (commencée avec Aristote, père de la logique (384-322 av. -J.-C.) prône l’utilisation de préparations magistrales dont l’efficacité est prouvée par l’expérience, d’où son nom.

Peu de préparations eurent autant de renommée que la thériaque, du grec theriakos « relatif aux bêtes sauvages ».

Cette préparation, confiture presque noire à l’odeur nauséabonde, additionnée de miel et de vin pour obtenir une pâte molle (qui se conserve plusieurs mois), riche en opium, est employée comme antidote aux venins de serpents, de scorpions et les empoisonnements.

Les trois invariants de sa composition, sont la chair de vipère, l’opium et le miel.

Le livre de la Thériaque ou pseudo-Galien, manuscrit illustré datant de 1199, représente les étapes de sa confection. Ibn Sina (Avicenne 980-1037) recense plusieurs préparations : la « thériaque de Galien », la « préparation des philosophes », la « thériaque terrible », la « thériaque de Venise »…

 Il existe des préparations à 100, 84, 73, 49  ingrédients, pour les riches, celle des pauvres est le genièvre, pour les paysans elle se limite à l’ail, dont l’usage traditionnel combat les infections de toutes sortes, internes et externes.             

« Simple  » est un mot qui apparaît au XVe siècle, il désigne alors un remède constitué d'une seule substance ; il finira par s'appliquer uniquement aux plantes médicinales. La théorie des Simples est construite à partir d'un mélange confus de traditions populaires et de références chrétiennes où l’homme est indissociable de l’univers. Les cultures occidentales n’ont pas échappé à ces croyances.

Lorsque au cours du XII° siècle, l'Église interdit l'étude et l'exercice de la médecine dans les couvents, les moines-médecins les quittèrent et s'établirent médecins, marchands et préparateurs de médicaments. " C'est la laïcisation progressive de la pharmacie ". (Dousset, 1985).

Cependant, dans leurs carrés de Simples, les moines du Moyen Age cultivaient, pour se soigner (sous forme de tisanes, décoctions, cataplasmes…) racines, feuilles, fleurs et sommités dans une classification un peu étrange qui perdurera jusqu’au XVIII° siècle. À cette époque, Carl Von Linné (1707-1771) définira une nomenclature générale des plantes classées en fonction de caractères anatomiques communs (terminologie désignée en latin, langue universelle des savants, pour énoncer le nom du genre puis de l'espèce pour chaque plante). L'usage s'est maintenu.

Élaborée à partir d’un mélange de traditions où tous les éléments de la Création divine sont en correspondance symbolique, les plantes sont chargées de sens portés par la morphologie de la plante.

Un végétal est supposé aider à guérir un mal car sa forme et son fonctionnement présentent certaines similitudes avec l’organe atteint ou des ressemblances avec certaines maladies. Ces correspondances reposent toujours sur des « signes » en relation avec l'anatomie ou la physiologie de l'homme, et certaines particularités du monde végétal, minéral, voire même animal. Théophraste Bombast von Hohenheim (médecin suisse) dit Paracelse (1493-1541) rend célèbre une conception ancienne de la nature : « la théorie des Signatures ». Pour lui, la plante témoigne d’un message d’ordre divin, message porté par la morphologie de la plante. Il en résulte une médecine par analogie, dont la Mandragore sera le végétal emblématique. Gianbattista Della Porta (vers 1540-1615), qui explique les caractères de l'homme en fonction de leur physionomie (1586) fera connaître la doctrine des Signatures à travers les correspondances morphologiques des plantes (Phytognomonica, 1588, Naples.)

L’époque moderne utilisera la chimiotaxonomie, choix basé, dans un premier temps, sur la taxonomie, classification des plantes reposant, en premier lieu, sur leur morphologie.

 

2. Les Pratiques Populaires

Les préparations médicinales dites « de bonnes femmes », on écrivait autrefois « de bonne fame », c’est-à-dire « bien famée », « de bonne réputation » (d'après le latin bona fama, application étymologique à la plante et non à la femme) à travers les assemblages découverts par nos aïeules, se révélèrent des thérapeutiques remarquables, pour peu que l’on sache les préparer.

Cependant, celles qui connaissaient les arcanes des plantes (rites de la cueillette à des périodes ou des jours particuliers, en fonction de la configuration des planètes et de l'influence lunaire) se retrouvèrent souvent assimilées aux sorcières. Certaines guérisseuses hors pair avaient trouvé le moyen d'utiliser, sous forme d'onguent, certaines espèces contenant des alcaloïdes qui déploient des effets hallucinogènes. Ces pratiques, dont les préparations abortives, furent dénoncées et condamnées par l'Église du XIII° au XVII° siècle (Mann, J. 1996).

* Les femmes

Les femmes sont devenues, traditionnellement, les dépositaires des secrets des plantes médicinales. Héritières d'un riche savoir familial, par la transmission des connaissances, elles témoignaient avant tout, d’un savoir adapté à leur famille et à leurs besoins. Le savoir sur les simples était indispensable à la survie dans les hameaux isolés.

Les Femmes de l'Arc alpin ont constitué un savoir identitaire alpin. Les plantes alimentaires sauvages souvent consommées devenaient d'usage habituel en temps de disette. La dureté de la vie montagnarde et l'éloignement contraignaient les habitants à se soigner avec leurs propres remèdes, les plantes constituaient un recours fréquent, par défaut, pour les populations dépourvues de ressources, d’alimentation et de soins. Néanmoins, dans les Alpes il existait une répartition des connaissances, librement consentie, entre les femmes et les hommes, les soins vétérinaires étant réservés aux hommes.

Un corpus s’est peu à peu constitué chez les femmes, qui utilisent des plantes pour se nourrir et se soigner. Les « recettes » sont consignées dans des cahiers confidentiels transmis de génération en génération (Delcourt, D. 2002). Sachant que les effets thérapeutiques des fleurs sauvages pouvaient s’avérer dangereux, par une utilisation non initiée, cet enseignement, accru par l'expérience, s'effectuait au sein des familles. Ce savoir, utilisé par un groupe culturel donné, est cohérent dans le foyer qui le possède. Il lui appartient.

Les femmes, ayant une connaissance des particularités écologiques des espèces, avaient largement recours à la flore sauvage. En effet, la répartition des plantes dépend de nombreux facteurs écologiques propres au milieu montagnard, l’altitude, la pente, l’exposition, la nature du substrat … (silice, calcaire). En montagne, les plantes ont dû faire preuve de beaucoup d’adaptabilité : la température diminue de 0,6° C tous les 100 m, les précipitations augmentent et sont irrégulières. L’action mécanique de la neige, l’hygrométrie élevée, le vent, l’ensoleillement intense, favorisent la synthèse des pigments (vivacité des couleurs). En altitude, les plantes ne poussent pas au hasard, la diversité climatique détermine un biotope spécifique.

  • Les plantes à potentialité froide des versants Nord, frais et ombragés ou des sommets, sont très efficaces contre les maladies dites « de nature chaude ».

  • Les plantes à potentialité chaude des versants Sud, bien ensoleillés, combattent les affections « de nature froide ».

  • Les plantes purgatives « qui entraînent vers le bas », sont cueillies en période descendante (automne-hiver).

  • Les plantes émétiques « qui attirent vers le haut », sont ramassées en période ascendante (printemps-été).

* Les Colporteurs 

Pendant près de trois siècles (à partir des années 1600), les colporteurs ont sillonné l'Europe occidentale. Du colporteur, on a souvent une image d'un semi-vagabond, parfois chapardeur, en réalité, le marchand ambulant était déjà un rouage essentiel du commerce médiéval. Ceux qui portaient leur marchandise sur un petit éventaire suspendu au cou prirent le nom de Col-porteurs. Sous l’Ancien Régime, les colporteurs transportent dans une balle, divers articles de mercerie, quincaillerie, tissus … et jouent un rôle essentiel dans la diffusion de produits d'usage courant ou rares, jusque dans les hameaux isolés. Représentants d'un commerce de la sociabilité, leur venue est toujours un moment fort.

Si le colportage débute, vraisemblablement, de manière locale puis régionale, l'apogée de ce négoce se situe sous le règne de Louis-Philippe (1773-1840). À cette époque, les colporteurs doivent obligatoirement savoir lire, écrire et compter pour faire du commerce. Les villages des colporteurs seront donc particulièrement instruits en comparaison d'autres régions. Ainsi, la migration saisonnière de ces populations montagnardes entraîne une alphabétisation passablement inconnue en plaine : Queyras, Briançonnais et Gapençais en France, les Grisons en Suisse et le Piémont en Italie..

Le colportage était surtout le fait des montagnards qui recherchaient, par cette activité saisonnière, un complément de ressource familiale. La migration temporaire des colporteurs concerne tout particulièrement l’Arc alpin où le climat rigoureux empêche toute activité agricole hivernale (de la Toussaint à Pâques). Il se constitue alors dans ces régions de véritables réseaux de colportage transfrontalier.

* Les Colporteurs de l'Oisans

Le Bourg d'Oisans est au centre d'une étoile d'où partent six vallées. Le nord des Hautes-Alpes est un pays de haute montagne où se sont développées des sociétés originales. Les colporteurs spécialisés dans les plantes et les fleurs, sont essentiellement issus de quelques villages de l’Oisans. (L'appellation Oisans vient de Uceni, peuple qui habitait la région au temps des Romains). Au début, les Uissans collectaient des semences dans la montagne et des plantes alpines faciles à transporter  puis, au XIXe siècle, ils se spécialisèrent dans les ventes de graines, bulbes, voire des boutures de certains végétaux (Bailly-Maitre, M.Ch. & Pissard, L. 2000).

Petite apothicairerie sur la tête, ils vendaient des « Simples » mais aussi des potions, des onguents, des Recettes de médecine ou d'art vétérinaire, préparations médicinales, gentiane, rhododendron, edelweiss (bulbe et racines), herbes odorantes pour faire de la liqueur. ( Muller, R .& Allix, A. 1925) La grande activité des colporteurs correspond à une époque où la plus grande partie des gens vit dispersé dans les villages, hameaux ou fermes isolés. Les colporteurs apportent des produits indispensables que les habitants ne peuvent produire eux-mêmes, ils créent ainsi des échanges dépassant les bornes du village, du lieudit. Les colporteurs de l'Oisans, quand ils reviennent, transmettent des histoires qui font rêver la communauté, des récits de toute sorte, d'événements remarquables. Cependant, l'information diffusée avait l'inconvénient d'être très irrégulière et, en fait d'actualité, ils rapportaient des événements qui pouvaient s'être produit des années avant …

D'abord pédestres, leurs migrations temporaires s'effectuent ensuite avec un âne, les colporteurs pouvaient ainsi déposer leur lourde « balle », l'âne permettait le doublement du stock disponible et l'éventaire proposé. Les ânes toscans, achetés à la foire « La Beaucroissant », étaient surtout utilisés par les colporteurs de l’Oisans et de Villards qui « hivernaient » sur les grandes routes en Dauphiné, Lyonnais et Midi de la France.

La foire située entre plaines et montagnes, sur l'antique chemin de Vienne à Turin par « Ad Publicanos  », à proximité des grandes routes de Lyon à Grenoble et de Grenoble à Valence, permettait de réunir les montagnards des Pré-Alpes et des grands massifs.

Si les affaires étaient très bonnes, le colporteur pouvait acheter une voiture à quatre roues et des chevaux avant de faire fortune et de se fixer dans un négoce sédentaire. Toutefois, plusieurs communautés montagnardes ont organisé un véritable réseau de solidarités familiales et villageoises du XVII° au XIX° siècle, au cours duquel le colportage prendra de l'ampleur. Celui-ci s'éteindra avec le développement du réseau ferroviaire et disparaîtra complètement après la Première Guerre mondiale.

 

3. Les Pratiques scientifiques

Médecins et apothicaires sont restés longtemps confondus chez le même utilisateur.

En 1258 Louis IX (1214-1270) sépare les professions d’apothicaire et de médecin, puis, en 1484, une ordonnance de Charles VIII (1470–1498 ) sépare les métiers d’apothicaires et d’épiciers. Au XVII° siècle, les pharmaciens se groupent en corporation, ils entendent se démarquer ainsi des apothicaires. En 1777, Louis XVI (1754-1793) crée le Collège de Pharmacie par décret, les apothicaires prennent le nom de Pharmacien et obtiennent l’exclusivité de la préparation des remèdes.

 

De la plante au médicament « Entre tradition et science »

Au XIX° siècle, les progrès de la chimie mettent en évidence les « principes actifs » des végétaux  et les premiers médicaments de synthèse sont réalisés industriellement vers 1890.

Une minorité de médicament est le fruit d’une véritable invention de laboratoire. Les données de la phyto-pharmacopée moderne confirment, souvent, les déductions des anciens quant à la découverte des principes actifs. De nombreux exemples pourraient être cités, tel celui du saule, dont la parfaite acclimatation aux terrains marécageux et sa résistance à l'humidité des marais, a laissé supposer que se trouvait dans l'écorce ou les feuilles de cet arbre le moyen de lutter « contre tous les échauffements du sang » notamment ceux d'origine palustre. Une fois encore, l'intuition a vu juste, puisque c'est de lui, que bien plus tard, les pharmacologues modernes extrairont le salicylate de soude, précurseur de l'aspirine.

Si les dernières recherches prouvent que les plantes renferment des molécules actives, la prescription d’un médicament présume qu’on a pu établir une preuve de son efficacité et que le rapport bénéfice/risque soit favorable au patient. « Des tablettes mésopotamiennes relatent que les substances toxiques étaient d’abord testées sur les esclaves à la recherche de la bonne dose avant d’être administrées aux familiaux du monarque. C’est la première ébauche d’essais thérapeutiques » (Aquaron, M. 1997-1998)

Les essais thérapeutiques étudient les nouvelles thérapeutiques expérimentales. Ils constituent un progrès médical depuis Nuremberg (1947). En France, la recherche médicale est réglementée par la loi Huriet-Sérusclat du 20/12/1988.

La molécule, candidate à devenir un médicament, suit une série d’étapes éliminatoires jusqu’à la réalisation définitive : expériences in vitro, puis chez l‘animal, suivies des phases successives d’essai chez l’homme.

  • Les études de phase I ont pour but de tester la sécurité d’emploi des thérapeutiques (le plus souvent conduites chez des volontaires sains).

  • Les études de phase II ont pour objectif de préciser l’efficacité du produit dans des conditions précises (populations limités).

  • Les études de phase III sont conduites sur une population plus large, représentative de la population atteinte d’une pathologie. Elles ont pour but de confirmer l’efficacité du traitement avant l’obtention de Mise sur le Marché (A.M.M).

  • Les études de phase IV débutent après l’A.M.M, pour compléter les informations concernant la  sécurité d’emploi du traitement sur une population cible, réelle. C’est la phase de pharmacovigilance. Les effets indésirables graves, survenus dans cette phase, induiront un retrait d’utilisation du médicament incriminé.

Conclusion

Chaque civilisation a tissé avec les plantes des rapports bien spécifiques. Les plantes ont occupé une place de choix et ont été, pour les hommes, un point de contact privilégié avec la nature et la santé.

Entre les pratiques empiriques et les pratiques scientifiques, les découvertes thérapeutiques des plantes médicinales et les données de la phyto-pharmacopée moderne confirment, souvent, les effets que la sagesse populaire prescrivait déjà comme «  remèdes ».

Dans les Alpes, comme dans toute montagne, il n'y avait pas, à proprement parler, de méthode scientifique dans la découverte de vertus thérapeutiques végétales ou animales, mais celle-ci était le produit d'associations entre les idées simples et les répétitions d'expériences empiriques. Les femmes de l'Arc alpin, ont inscrit une identité culturelle spécifique des plantes médicinales et l'utilisation de ce savoir s'articulait avec le commerce itinérant des colporteurs.

Depuis 1991, à la suite du programme des Nations Unies pour l’environnement, la mise en valeur et la protection des montagnes (PNUE), la culture de ces plantes maintient une activité traditionnelle dans les régions montagnardes, ce qui préserve les paysages des dégradations.

La rencontre des biologistes et des chimistes à la fin du XIX° siècle, permet à la thérapie scientifique de voir le jour et de se développer grâce à la découverte des principes actifs (Les principes actifs sont des composants naturels contenus dans une plante médicinale lui conférant sont activité thérapeutique).

Cependant, une minorité de médicaments sont le fruit d’une véritable invention de laboratoire.

« Les travaux des ethnopharmacologues ont mis en relief l'utilisation des plantes médicinales pour l'extraction de principes actifs par l'industrie pharmaceutique. […] Ils observent également […] le succès grandissant des pharmacopées anciennes, au titre d'une " vague verte " qui, un peu partout dans le monde, apparaît comme une alternative à la médecine chimique. » ( Chominot, A. 2000).

Ainsi, au cours des dernières décennies, le corps médical a pris conscience de l’intérêt thérapeutique des plantes pour soigner efficacement un grand nombre d’affections. Face aux molécules de synthèse, voici le grand retour de la pharmacopée naturelle.

Michèle Aquaron

D.E.A. d'anthropologie biologique

Marseille

Bibliographie

 Actes du 4° congrès européen d’ethno-pharmacologie, 2002 « Des sources du savoir aux médicaments du futur ». éd. IRD. http://www.editions-ird.fr (visité en 2003)

Apothicaires (les) http://www.france-pittoresque.com/metiers/29b.htm (visité en 2005)

Aquaron, M. 1997-1998 « Quelques réflexions sur les essais thérapeutiques en Oncologie. Pédiatrique » Attestation Universitaire d’Éthique. Faculté de Médecine de Marseille.

Aquaron, M. 2003 Colloque d’Anthropologie alpine « Plantes qui nourrissent, plantes qui guérissent » Gap, Librairie des hautes-Alpes.

Bailly-Maitre, M.Ch. & Pissard, L. 2000 « Les colporteurs de l'Oisans » Collection Musée d'Huez et de l'Oisans n°4.

Bouvenot, G. & all, 1993. «  Le Médicament, Naissance, vie et mort d’un produit pas comme les autres » INSERM, Nathan.

Chominot, A. 2000. « Valorisation des plantes médicinales par l'industrie pharmaceutique » Le Courrier de l'environnement de l’INRA n°39, février. http://www.inra.fr/dpenv/chomic39.htm (visité en 2005)

Cueillette et préparations des plantes médicinales : http://membres.lycos.fr.medecinet (visité en 2003)

Colportage (le) Musée Matheysin : http://www.ac-grenoble.fr/lamure/colport (visité en 2003)

Delcourt, D. 2002 « Maladies et recours à la pharmacopée traditionnelle en Vallouise et dans le Briançonnais » Gap, édition du Fournel.

Dousset, J-C. 1985 «  Histoire des médicaments des origines à nos jours » Paris, Payot.

Fontaine, L. 1985 « La saga des colporteurs » L’Histoire n° 78, mai.

Fontaine, L. 1993 « Histoire du colportage XV°-XIX° siècle » Paris, Albin Michel.

Histoire de la Médecine, 1996, Paris, Tome I, Tome II, Alban Michel/Laffont/Tchou.

Laganier, M. 2001 « Les femmes préfèrent les simples » Alternative Santé L’impatient n° 274, jan.

« La vie dans les abbayes, le jardin des simples » http://www.encyclopedie-universelle.com (visité en 2003)

Le Floch & Perlmutier, 1995. «  Essai thérapeutique et essai clinique » Paris, Masson.

Mann, J. 1996. « Magie, Meurtre, Médecine - Des Plantes et de leurs Usages » Genève, Georg SA.

Muller, R. & Allix, A. 1925 « Petits métiers de montagne » nouvelle édition 2001, Presse Universitaire de Grenoble.

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Salamond, G. 2003 « Dauphiné d’autrefois…le jour des ânes à La Beaucroissant ». http://perso.wanadoo.fr/braire (visité en 2003)

Slavik Bohumil. « Les fleurs de montagne » 1977, Prague, 1978, Verviers, Marabout.

Trotereau, J. 2003 « Colporteurs, les routards du négoce » Historia n° 82, mars.

 

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