Conférence
Notre propos se limitera à un survol de l’évolution des
relations hommes/plantes, des pratiques empiriques aux
essais thérapeutiques actuels, en corrélation avec les
principes actifs recelés dans les plantes médicinales.
Presque tous les produits utilisés par les hommes pour
soulager leurs maux ont trouvé leur origine dans le
végétal. Sans doute
aussi ancienne que la conscience humaine, la
correspondance entre les
plantes et la vertu
des éléments naturels, à des fins thérapeutiques, est
illustrée par cette citation d’Hippocrate (vers 460-vers
377 av. J.-C.), « La nature est le médecin des malades »
(IV° siècle av.-J.-C. Les épidémies). Ce fut l'un des seuls à ne pas associer la
démonologie aux pouvoirs thérapeutiques des plantes.
Tantôt inspiré par le fruit de l’empirisme et des
observations transmises au fil des générations, tantôt
soumis à des pratiques de magie et de superstitions,
l’art de guérir a montré un grand développement au cours
des différentes époques.
Certains
anthropologues pensent que nos ancêtres ont
systématiquement goûté toutes les plantes sauvages qui
les environnaient et en ont déduit leurs avantages et
leurs inconvénients. Les découvertes archéologiques,
grâce aux pollens fossiles, font remonter les sources de
ces connaissances thérapeutiques à la préhistoire (2002,
4° congrès Européen d’Ethnopharmacologie).
Toutefois, l’homme a eu aussi
recours aux animaux ou à des produits d’origine animale,
ainsi qu'à des minéraux, dont l’efficacité est également
attestée depuis la plus haute Antiquité.
Aujourd’hui, les médicaments ne sont plus composés
uniquement de molécules naturelles, les molécules de
synthèse entrent pour une part importante dans leur
fabrication. Cependant, la première obligation de
justifier leur efficacité devient inévitable avec le
Code de Nuremberg (1947), mais ces modifications
s’avérèrent insuffisantes à l'égard du respect éthique
de l’homme. En France, la loi Huriet-Sérusclat, votée le
20 décembre 1988, conditionne les essais thérapeutiques,
de la découverte d’une molécule candidate,
biologiquement active, jusqu’à son autorisation de mise
sur le marché (A.M.M) sous forme de médicament.
Des pratiques empiriques jusqu’à l’obligation de mesurer
l’efficacité des traitements actuels, le parcours fût
considérable.
Les plantes médicinales font partie du savoir de base de
toutes les sociétés humaines. La médecine
anthroposophique percevait les plantes dans ses
relations avec le cosmos. Théophraste, (de son vrai nom
Tyrtamos) dit Theophrastos
« divin parleur »
(v.372-278 ou 288 ? av.-J.-C.), Dioscoride (1° siècle
après J.-C) ou
Pline l’Ancien (23-79) ont porté un intérêt particulier
à cette « science aimable » qu’est la botanique,
décrivant et nommant des plantes ainsi que leurs vertus
thérapeutiques. Théophraste décrit de nombreuses
plantes grecques et étrangères dans son ouvrage intitulé
Histoire des plantes, il mentionne leurs divers
usages et établit la première classification des plantes. Cet
ouvrage sera repris plus tard par Charlemagne ( ?
742-814), qui recommandait la culture de 88 plantes
médicinales, dans un de ses Capitulaires. Il tenta
d'élever le niveau intellectuel du clergé en créant des
écoles religieuses où l'étude des plantes curatives
était la base de l'enseignement médicinal. Dioscoride,
médecin grec (dit Pédanius) fut considéré comme le père
spirituel de la pharmacognosie (étude des médicaments
d'origine animale ou végétale), il inventorie 520
espèces de plantes dans la Matière Médicale (De
Materia Medica), donnant synonymes, origine, mode de
récolte, préparation et application médicale de chaque
plante. Ce traité fit autorité en Europe jusqu'au Moyen
Age. Pline l'Ancien, naturaliste et écrivain latin,
cristallisa une idée, dont on devrait retrouver
l'origine en Grèce antique mais qui devait exister dans
d’autres cultures, que Paracelse énoncera sous la
théorie des Signatures. (Paracelse
répartissait les plantes médicinales selon 7 groupes en
rapport avec les 7 planètes en relation avec les 7
couleurs de l’arc-en-ciel).
Soigner est un Art
dont la nature fournit les
principes essentiels.
Les médecins et les prêtres en furent les premiers
utilisateurs ; par la suite, la botanique fut longtemps
réservée aux femmes, car considérée comme peu virile.
Les
plantes comme thérapie
Dans un passé reculé, La Plante est considérée
avec respect du fait de son alliance avec les forces de
guérison. Presque tous les produits utilisés par les
hommes pour soulager leurs maux procèdent
de la découverte du
pouvoir des plante, les pratiques empiriques émanent de
réflexions et d’expériences. Les grandes découvertes
(théorie des Simples, théorie des Signatures…) sont
faites à partir d’observations et d’hypothèses « ad
hoc », tandis que les pratiques populaires
paysannes et montagnardes s'en tiennent, tout d'abord, à
des préparations où les Simples tiennent une place
prépondérante.
1. Les
Pratiques Empiriques
L’école des empiriques (commencée avec Aristote, père de
la logique (384-322 av. -J.-C.)
prône l’utilisation de préparations
magistrales dont l’efficacité est prouvée par
l’expérience, d’où son nom.
Peu de préparations eurent
autant de renommée que la thériaque,
du
grec theriakos « relatif aux bêtes sauvages ».
Cette préparation, confiture presque noire à l’odeur
nauséabonde, additionnée de miel et de vin pour obtenir
une pâte molle (qui se
conserve plusieurs mois),
riche en opium, est employée comme antidote aux venins
de serpents, de scorpions et les empoisonnements.
Les trois invariants de sa
composition, sont la chair de vipère, l’opium et le
miel.
Le livre de la Thériaque ou
pseudo-Galien, manuscrit illustré datant de 1199,
représente les étapes de sa confection. Ibn Sina
(Avicenne 980-1037) recense plusieurs préparations : la
« thériaque de Galien », la « préparation des
philosophes », la « thériaque terrible », la « thériaque
de Venise »…
Il existe des préparations
à 100, 84, 73, 49 ingrédients, pour les riches,
celle des pauvres est le genièvre, pour les paysans elle
se limite à l’ail,
dont l’usage traditionnel combat les infections de
toutes sortes, internes et externes.
«
Simple » est un mot qui apparaît au XVe siècle, il désigne alors un remède constitué d'une seule substance ; il
finira par s'appliquer uniquement aux plantes
médicinales. La théorie des Simples est
construite à partir d'un mélange confus de traditions
populaires et de références chrétiennes où l’homme est
indissociable de l’univers. Les cultures occidentales
n’ont pas échappé à ces croyances.
Lorsque au cours du XII°
siècle, l'Église
interdit l'étude et l'exercice de la médecine dans les
couvents, les moines-médecins les quittèrent et
s'établirent médecins, marchands et préparateurs de
médicaments. " C'est la laïcisation progressive de la
pharmacie ". (Dousset, 1985).
Cependant, dans
leurs carrés de Simples, les moines du Moyen Age cultivaient, pour
se soigner (sous forme de tisanes, décoctions,
cataplasmes…)
racines, feuilles, fleurs et sommités dans une
classification un peu étrange qui perdurera jusqu’au
XVIII°
siècle. À cette époque, Carl Von Linné
(1707-1771) définira une nomenclature générale des
plantes classées en fonction de caractères anatomiques
communs (terminologie désignée en latin, langue
universelle des savants, pour énoncer le nom du genre
puis de l'espèce pour chaque plante). L'usage s'est
maintenu.
Élaborée à partir
d’un mélange de traditions où tous les éléments de la
Création divine sont en correspondance symbolique,
les plantes sont chargées de sens portés par la
morphologie de la plante.
Un
végétal est supposé aider à guérir un mal car sa forme
et son fonctionnement présentent certaines similitudes
avec l’organe atteint ou des ressemblances avec
certaines maladies. Ces correspondances reposent
toujours sur des « signes » en relation avec l'anatomie
ou la physiologie de l'homme, et certaines
particularités du monde végétal, minéral, voire même
animal. Théophraste Bombast von Hohenheim (médecin
suisse) dit Paracelse (1493-1541) rend célèbre une
conception ancienne de la nature : « la théorie des
Signatures ». Pour lui, la plante témoigne d’un
message d’ordre divin, message porté par la morphologie
de la plante. Il en résulte une médecine par analogie,
dont
la Mandragore sera
le végétal emblématique.
Gianbattista Della Porta
(vers 1540-1615), qui explique les caractères de l'homme
en fonction de leur physionomie (1586) fera connaître la
doctrine des Signatures à travers les correspondances
morphologiques des plantes (Phytognomonica, 1588,
Naples.)
L’époque moderne utilisera la chimiotaxonomie,
choix basé, dans un premier temps, sur la taxonomie,
classification des plantes reposant, en premier lieu,
sur leur morphologie.
2. Les Pratiques
Populaires
Les préparations
médicinales dites « de bonnes femmes », on écrivait
autrefois « de bonne fame », c’est-à-dire «
bien famée », « de bonne réputation »
(d'après le latin bona fama, application
étymologique à la plante et non à la femme) à travers
les assemblages découverts par nos aïeules, se
révélèrent des thérapeutiques remarquables, pour peu que
l’on sache les préparer.
Cependant, celles qui connaissaient les arcanes des
plantes (rites de la cueillette à des périodes ou des jours particuliers, en
fonction de la configuration des planètes et de
l'influence lunaire) se retrouvèrent souvent
assimilées aux sorcières. Certaines guérisseuses hors pair avaient trouvé le moyen d'utiliser, sous
forme d'onguent, certaines espèces contenant des
alcaloïdes qui déploient des effets hallucinogènes. Ces
pratiques, dont les préparations abortives, furent
dénoncées et condamnées par l'Église du XIII° au XVII° siècle (Mann, J. 1996).
*
Les femmes
Les femmes sont
devenues, traditionnellement, les dépositaires des
secrets des plantes médicinales.
Héritières d'un riche savoir familial, par la
transmission des connaissances, elles
témoignaient avant tout, d’un savoir adapté à leur
famille et à leurs besoins. Le
savoir sur les simples était indispensable à la survie
dans les hameaux isolés.
Les Femmes de l'Arc
alpin ont constitué un savoir identitaire alpin. Les plantes
alimentaires sauvages souvent consommées devenaient
d'usage habituel en temps de disette.
La dureté de la vie montagnarde et l'éloignement
contraignaient les habitants à se soigner avec leurs
propres remèdes, les plantes constituaient un
recours fréquent, par défaut, pour les populations
dépourvues de ressources, d’alimentation et de soins.
Néanmoins, dans les Alpes il existait une
répartition des connaissances, librement consentie,
entre les femmes et les hommes, les soins vétérinaires
étant réservés aux hommes.
Un corpus s’est peu
à peu constitué chez les femmes, qui utilisent des
plantes pour se nourrir et se soigner. Les « recettes »
sont consignées dans des cahiers confidentiels
transmis de génération en génération (Delcourt, D.
2002). Sachant que les effets thérapeutiques des
fleurs sauvages pouvaient s’avérer dangereux, par une
utilisation non initiée, cet enseignement, accru par
l'expérience, s'effectuait au sein des familles.
Ce savoir, utilisé par un groupe culturel donné, est
cohérent dans le foyer qui le possède. Il lui
appartient.
Les femmes, ayant
une connaissance des particularités écologiques des
espèces, avaient largement recours à la flore sauvage. En effet, la répartition
des plantes dépend de nombreux facteurs écologiques
propres au milieu montagnard, l’altitude, la pente,
l’exposition, la nature du substrat … (silice,
calcaire).
En montagne, les plantes ont dû faire preuve de beaucoup
d’adaptabilité : la température diminue de 0,6° C tous
les 100 m, les précipitations augmentent et sont
irrégulières. L’action mécanique de la neige,
l’hygrométrie élevée, le vent, l’ensoleillement intense,
favorisent la synthèse des pigments (vivacité des
couleurs). En altitude, les plantes ne poussent pas au
hasard, la diversité climatique détermine un biotope
spécifique.
-
Les plantes à
potentialité froide des versants Nord, frais
et ombragés ou des sommets, sont très efficaces
contre les maladies dites « de nature chaude ».
-
Les plantes à
potentialité chaude des versants Sud, bien
ensoleillés, combattent les affections « de
nature froide ».
-
Les plantes
purgatives « qui entraînent vers le bas », sont
cueillies en période descendante (automne-hiver).
-
Les plantes
émétiques « qui attirent vers le haut », sont
ramassées en période ascendante (printemps-été).
*
Les Colporteurs
Pendant près de
trois siècles (à partir des années 1600), les
colporteurs ont sillonné l'Europe occidentale. Du
colporteur, on a souvent une image d'un semi-vagabond,
parfois chapardeur, en réalité, le marchand ambulant
était déjà un rouage essentiel du commerce médiéval. Ceux qui portaient leur
marchandise sur un petit éventaire suspendu au cou
prirent le nom de Col-porteurs. Sous l’Ancien
Régime, les
colporteurs transportent dans une balle,
divers articles de mercerie, quincaillerie, tissus …
et jouent un rôle essentiel dans la diffusion de
produits d'usage courant ou rares, jusque dans les
hameaux isolés. Représentants d'un commerce de la
sociabilité, leur venue est toujours un moment fort.
Si le colportage
débute, vraisemblablement, de manière locale puis
régionale, l'apogée de ce négoce se situe sous le règne
de Louis-Philippe (1773-1840). À cette époque, les
colporteurs doivent obligatoirement savoir
lire, écrire et compter pour faire du commerce. Les
villages des colporteurs seront donc particulièrement
instruits en comparaison d'autres régions. Ainsi, la
migration saisonnière de ces populations montagnardes
entraîne une alphabétisation passablement inconnue en
plaine : Queyras, Briançonnais et Gapençais en France,
les Grisons en Suisse et le Piémont en Italie..
Le colportage était surtout le fait des montagnards qui recherchaient, par
cette activité saisonnière, un complément de ressource
familiale. La migration temporaire des colporteurs
concerne tout particulièrement l’Arc alpin où le
climat rigoureux empêche toute activité agricole
hivernale (de la
Toussaint à Pâques). Il se constitue alors dans ces
régions de véritables réseaux de colportage
transfrontalier.
*
Les Colporteurs de l'Oisans
Le
Bourg
d'Oisans est au centre d'une étoile d'où partent six
vallées. Le nord des Hautes-Alpes est un pays de haute montagne où se sont
développées des sociétés originales. Les
colporteurs spécialisés dans les plantes et les fleurs,
sont essentiellement issus de quelques villages de
l’Oisans. (L'appellation Oisans vient de Uceni,
peuple qui habitait la région au temps des Romains). Au
début, les Uissans collectaient des semences dans la
montagne et des plantes alpines faciles à transporter
puis, au XIXe siècle, ils se spécialisèrent
dans les ventes de graines, bulbes, voire des boutures
de certains végétaux (Bailly-Maitre, M.Ch. & Pissard, L. 2000).
Petite apothicairerie sur la tête, ils vendaient
des « Simples » mais aussi des potions, des onguents,
des Recettes de médecine ou d'art vétérinaire, préparations médicinales,
gentiane, rhododendron, edelweiss (bulbe et racines),
herbes odorantes pour faire de la liqueur. ( Muller,
R .& Allix, A. 1925) La grande activité des
colporteurs correspond à une époque où la plus grande
partie des gens vit dispersé dans les villages, hameaux
ou fermes isolés. Les colporteurs apportent des produits
indispensables que les habitants ne peuvent produire
eux-mêmes, ils créent ainsi des échanges dépassant les
bornes du village, du lieudit. Les colporteurs de
l'Oisans, quand ils reviennent, transmettent des
histoires qui font rêver la communauté, des récits de
toute sorte, d'événements remarquables. Cependant,
l'information diffusée avait l'inconvénient d'être très
irrégulière et, en fait d'actualité, ils rapportaient
des événements qui pouvaient s'être produit des années
avant …
D'abord pédestres,
leurs migrations temporaires s'effectuent ensuite avec
un âne, les colporteurs pouvaient ainsi déposer leur
lourde «
balle », l'âne permettait le doublement du stock
disponible et l'éventaire proposé. Les ânes toscans,
achetés à la foire « La Beaucroissant »,
étaient surtout utilisés
par les colporteurs de l’Oisans et de Villards qui «
hivernaient » sur
les grandes routes en Dauphiné, Lyonnais et Midi de la
France.
La foire située
entre plaines et montagnes, sur l'antique chemin de
Vienne à Turin par «
Ad Publicanos », à proximité des grandes routes de Lyon
à Grenoble et de Grenoble à Valence, permettait de
réunir les montagnards des Pré-Alpes et des grands
massifs.
Si
les affaires étaient très bonnes, le colporteur pouvait
acheter une voiture à quatre roues et des chevaux avant
de faire fortune et de se fixer dans un négoce
sédentaire.
Toutefois, plusieurs
communautés montagnardes ont organisé un véritable
réseau de solidarités familiales et villageoises du XVII°
au XIX°
siècle, au cours duquel le colportage prendra de
l'ampleur. Celui-ci s'éteindra avec le développement du
réseau ferroviaire et disparaîtra complètement après la
Première Guerre mondiale.
3. Les
Pratiques scientifiques
Médecins et apothicaires sont restés longtemps confondus
chez le même utilisateur.
En
1258 Louis IX (1214-1270) sépare les professions
d’apothicaire et de médecin, puis, en 1484, une
ordonnance de Charles VIII (1470–1498 ) sépare les
métiers d’apothicaires et d’épiciers.
Au XVII°
siècle, les pharmaciens se groupent
en corporation, ils entendent se démarquer ainsi des
apothicaires. En 1777,
Louis XVI (1754-1793) crée le Collège de Pharmacie par
décret, les apothicaires prennent le nom de
Pharmacien et obtiennent l’exclusivité de la
préparation des remèdes.
De la plante au médicament « Entre tradition et
science »
Au
XIX° siècle, les progrès de la chimie mettent
en évidence les « principes actifs » des végétaux et
les premiers médicaments de synthèse sont réalisés
industriellement vers 1890.
Une minorité de médicament est le fruit d’une véritable
invention de laboratoire. Les données de la
phyto-pharmacopée moderne confirment, souvent, les
déductions des anciens quant à la découverte des
principes actifs. De nombreux exemples pourraient être
cités, tel celui du saule, dont la parfaite
acclimatation aux terrains marécageux et sa résistance à
l'humidité des marais, a laissé supposer que se trouvait
dans l'écorce ou les feuilles de cet arbre le moyen de
lutter « contre tous les échauffements du sang »
notamment ceux d'origine palustre. Une fois encore,
l'intuition a vu juste, puisque c'est de lui, que bien
plus tard, les pharmacologues modernes extrairont le
salicylate de soude, précurseur de l'aspirine.
Si
les dernières recherches prouvent que les plantes
renferment des molécules actives, la prescription d’un
médicament présume qu’on a pu établir une preuve de son
efficacité et que le rapport bénéfice/risque soit
favorable au patient. « Des tablettes mésopotamiennes
relatent que les substances toxiques étaient d’abord
testées sur les esclaves à la recherche de la bonne
dose avant d’être administrées aux familiaux du
monarque. C’est la première ébauche d’essais
thérapeutiques » (Aquaron, M. 1997-1998)
Les essais thérapeutiques étudient les nouvelles
thérapeutiques expérimentales. Ils constituent un
progrès médical depuis Nuremberg (1947). En France, la
recherche médicale est réglementée par la loi
Huriet-Sérusclat du 20/12/1988.
La
molécule, candidate à devenir un médicament, suit une
série d’étapes éliminatoires jusqu’à la réalisation
définitive : expériences in vitro, puis chez
l‘animal, suivies des phases successives d’essai chez
l’homme.
-
Les études de
phase I ont pour but de tester la
sécurité d’emploi des thérapeutiques (le plus
souvent conduites chez des volontaires sains).
-
Les études de
phase II ont pour objectif de préciser
l’efficacité du produit dans des conditions
précises (populations limités).
-
Les études de
phase III sont conduites sur une population plus
large, représentative de la population atteinte
d’une pathologie. Elles ont pour but de confirmer
l’efficacité du traitement avant l’obtention de
Mise sur le Marché (A.M.M).
-
Les études de
phase IV débutent après l’A.M.M, pour
compléter les informations concernant la
sécurité d’emploi du traitement sur une
population cible, réelle. C’est la phase de
pharmacovigilance. Les effets indésirables graves,
survenus dans cette phase, induiront un retrait
d’utilisation du médicament incriminé.
Chaque civilisation
a tissé avec les plantes des rapports bien spécifiques.
Les plantes ont occupé une place de choix et ont été,
pour les hommes, un point de contact privilégié avec la
nature et la santé.
Entre les pratiques
empiriques et les pratiques scientifiques,
les découvertes thérapeutiques des plantes médicinales
et les données de la phyto-pharmacopée moderne
confirment, souvent, les effets que la sagesse populaire
prescrivait déjà comme « remèdes ».
Dans les Alpes,
comme dans toute montagne, il n'y avait pas, à
proprement parler, de méthode scientifique dans la
découverte de vertus thérapeutiques végétales ou
animales, mais celle-ci était le produit d'associations
entre les idées simples et les répétitions d'expériences
empiriques. Les femmes de l'Arc alpin, ont inscrit une
identité culturelle spécifique des plantes médicinales
et l'utilisation de ce savoir s'articulait avec le
commerce itinérant des colporteurs.
Depuis 1991, à la
suite du programme des Nations Unies pour
l’environnement, la mise en valeur et la protection des
montagnes (PNUE), la
culture de ces plantes maintient une activité
traditionnelle dans les régions montagnardes, ce qui
préserve les paysages des dégradations.
La
rencontre des biologistes et des chimistes à la fin du
XIX° siècle, permet à la thérapie
scientifique de voir le jour et de se développer grâce à
la découverte des principes actifs (Les principes
actifs sont des composants naturels contenus dans une
plante médicinale lui conférant sont activité
thérapeutique).
Cependant,
une minorité de médicaments sont le fruit d’une
véritable invention de laboratoire.
« Les travaux des ethnopharmacologues ont mis en relief
l'utilisation des plantes médicinales pour l'extraction
de principes actifs par l'industrie pharmaceutique. […]
Ils observent également […] le succès grandissant des
pharmacopées anciennes, au titre d'une " vague verte "
qui, un peu partout dans le monde, apparaît comme une
alternative à la médecine chimique. » ( Chominot, A.
2000).
Ainsi, au cours des dernières décennies, le corps
médical a pris conscience de l’intérêt thérapeutique des
plantes pour soigner efficacement un grand nombre
d’affections. Face aux molécules de synthèse, voici le
grand retour de la pharmacopée naturelle.
Michèle Aquaron
D.E.A.
d'anthropologie biologique
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http://www.encyclopedie-universelle.com
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Trotereau, J. 2003 « Colporteurs, les routards du
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10e
Université d'Été d'Anthropologie des Populations alpines
- Juillet 2007
La mort en montagne
9e
Université d'Été
d'Anthropologie des Populations alpines - Juillet 2006
Alimentation et
Montagne
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