Compte-rendu
Le corps sportif alpin
Ce sont les
Alpes qui ont donné leur nom à la science de la montagne
et à l'alpinisme.
La montagne
est une découverte récente. Avant d'avoir été vaincu, en
1787, par Horace-Bénédict de Saussure (1740-1799), le
Mont-Blanc passait pour un amas de glaces
inaccessibles. La montagne n'était ni un sujet d'étude
ni un but d'excursion, en fait, elle inspirait un
sentiment d'effroi. Dès les premières ascensions
alpines, les effets (perte d'appétit, difficultés
respiratoires, augmentation de la soif…) de l'altitude
sur le corps, sont ressentis. C'est ainsi qu'au XIXe
siècle, animée par des préoccupations hygiénistes,
sociales et militaires, l'armée prône une nouvelle
pratique physique, le ski, pour transformer le corps
alpin et façonner une " race montagnarde ".
Si le
développement touristique marque le début du XXe
siècle, la place du corps, dans les pratiques de
l'alpinisme, est centrée sur une construction des styles
de pratiques (lolotte, grand et petit cylindre…) et
d'une forme de socialisation. Du corps technique au
corps extrême en passant par les représentations
symboliques du corps en action, les voies d'escalades
constituent des marqueurs socio-sportifs dans une
dynamique émotionnelle. Une
voie a un auteur, une date, un nom, numérotée en
fonction du style et de la difficulté.
À
chaque nouveau milieu sportif (spéléologie, plongée
sous-marine) l'homme a inventé des réponses techniques
et vestimentaires. Les alpinistes explorent,
expérimentent de nouvelles techniques et surmontent les
difficultés en adaptant le matériel pour faire face aux
obstacles naturels et aux conditions extrêmes (corps
expérimental des himalayistes - Néo door-). L'évolution
des techniques modifie le regard porté sur le corps
sportif et l'exploit devient un support idéal de la
rhétorique publicitaire. Le corps valorisé,
amplificateur d'altérité, est mis en scène par la
publicité " miroir " des signifiants culturels affectant
la relation à un élément géographique.
Ainsi, les
Alpes, territoire d'expression corporelle et d'identité
sportive, participent à une nouvelle construction
identitaire de l'espace alpin, par ses représentations
des mutations culturelles.
Retour sommaire
Le corps en
milieu alpin
La haute
altitude (> 2500m) trouble l'homéostasie du corps humain
et diverses manifestations pathologiques menacent ainsi
les fonctions vitales de l'organisme. Cependant, les
groupes humains vivant en haute altitude ont mis en
place des processus adaptatifs au niveau biologique,
ainsi l'homme, dans les vallées alpines et dans les
ambiances extrêmes, est un sujet d'étude privilégié pour
les biologistes et les anthropologues. Les mesures des
conscrits (XVIIe-XXe siècle),
répertoriées dans les archives militaires, rendent
compte des habitudes et des comportements alimentaires.
Ces habitudes sont-elles vécues en terme d'apport
nutritionnel bénéfique au corps et à la santé ou en
terme de spécialité traditionnelle ? Le besoin de se
nourrir et la dimension culturelle de l'alimentation
instaurent une relation particulière entre le corps et
le milieu montagnard. Les populations locales sont
engagées dans des systèmes complexes qui permettent leur
maintien en milieu alpin, sur un plan physique mais
aussi symbolique.
Les
ressources thermales, utilisées à partir des années
1970, semblent conforter l'idée que le corps, dans un
environnement montagnard, peut être revivifié et
purifié, le corps urbain transformé momentanément en
corps montagnard, perçoit aussi un changement d'esprit.
La carence
en iode des zones de glaciation quaternaires,
pourvoyeuse de goitres, rendait certains corps
monstrueux, les épidémies aussi affectaient les corps,
et si, progressivement les modèles explicatifs des
maladies apparaissent, un espace est ouvert dans les
représentations et les peurs du corps rejeté. De la
même façon, le corps vieillissant, en interaction avec
les processus biologiques et l'influence de l'apparence
physique, s'inscrit dans l'espace du corps rejetable.
Les fantasmes et les rejets affecteront l'imaginaire,
ainsi, l'iconographie permet d'articuler la dimension
anthropologique entre la pensée rationnelle et la
représentation du corps énigmatique, rejeté, autour des
contes et légendes. Dans les villages, la tradition
orale constitue le lien social par excellence, au sein
duquel les jeux complexes d'interactions doivent faire
sens pour les interlocuteurs. La parole, soumise à toute
une série de codes et de contraintes, contribue à la
cohésion et l'identité d'une collectivité dans le temps.
Michèle Aquaron
Contact presse UEE 2006
Association des Anthropologues de l'Arc Alpin- A4
Organisation
UMR 6578 Adaptabilité humaine : Biologie et
Culture - CNRS/Université de la Méditerranée -
Faculté de Médecine - Centre - Marseille
Retour sommaire
10e
Université d'Été d'Anthropologie des Populations alpines
- Juillet 2007
La mort en montagne
9e
Université d'Été
d'Anthropologie des Populations alpines - Juillet 2006
Alimentation et
Montagne
|