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L'homme et l'eau en milieu montagnard

Éditions des Hautes-Alpes, Gap

Réf. 130E5189

ISBN 2.909956.56 3

 

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Anthropologie des Populations alpines

8e Université Européenne d'Été - Juillet 2005

L'Homme et l'Eau en milieu montagnard

Vallouise - L’Argentière-la-Bessée - Racconigi - Rocca Grimalda

Sommaire

L'Homme et l'Eau en milieu alpin

Usages de l'eau

Droit à l'eau

Symbolisme de l'eau

Pathologies passées et présentes liées à l'eau

Thermalisme alpin

Conclusion

Compte-rendu

Les montagnes représentent 20% de la surface mondiale de terres émergées, objet des ressources naturelles du développement durable. En milieu montagnard l'eau coule naturellement en abondance, et représente un capital économique, industriel et démographique incontestable.

L'homme et l'eau en milieu alpin

C'est autour de cette thématique que se sont réunis historiens, géographes, anthropologues, sociologues, archéologues, ... pour traiter de la complexité de la gestion de l'usage de l'eau dans l'espace alpin.

Autour de 4400 à 800 av. J.-C., des centaines de villages ont été établis dans les zones marécageuses ainsi que sur les rives des lacs alpins (Suisse, Savoie, Allemagne du sud, Autriche, Italie du nord et Slovénie). Différentes approches ont été présentées quant à la France, l'Italie, la Tunisie, le Maroc, l’Asie et la Russie, car les montagnes sont les révélateurs précoces des changements physiques, sociaux, économiques et culturels. Ces études doivent être poursuivies pour mieux connaître les écosystèmes et les impacts des nouvelles utilisations de l'eau, si l'on veut atteindre le bon état écologique préconisé par la directive européenne.

La disponibilité de l'eau a toujours constitué la condition nécessaire aux implantations et activités des sociétés humaines. Sa disponibilité n'étant pas toujours manifeste, l'homme a alors exploité ses capacités instructives. Autour de la construction des canaux d’irrigation s’est modelée et caractérisée la société locale, dans le sens biologique et culturel. Le rapport homme-eau, en milieu alpin, créé par ces canaux persiste encore de nos jours ; ces ouvrages en milieu naturel présentent un intérêt touristique, par des parcours organisés, et visent à transmettre la mémoire du passé.

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Usages de l'eau

Dès le XIXe siècle, les Alpes, région d'émigration, a enregistré une croissance économique, liée d'abord au développement du tourisme (grâce à l'extension des réseaux des communications). Puis, l'apparition de nouvelles formes de sport d'eau "vive", au XXe siècle, dynamisent tout un secteur d'activité comme l'hôtellerie, les transports, les ventes de produits régionaux.

Les Us et Coutumes des habitants, l'histoire de la vallée de Vallouise et le contexte géologique sont des facteurs qui contribuent à la compréhension des comportements et des rapports de ses occupant entre l'eau et ses usages. Entre l'eau sauvage et l'eau domestique, les modes d'utilisation des différentes catégories populationnelles sont hétérogènes, qu’ils soient résidents locaux, retraités urbains ou touristes. Si les vallées alpines, sont bien pourvues en eau, pour les populations alpines, à l'exception du Valais, boire de l'eau n'est pas un geste naturel, on ne boira jamais de l'eau sortant d'un glacier. Dans la tradition orale et dans la pratique, l'eau est estimée avec beaucoup de méfiance ; après un effort, l'eau "crue" est considérée comme particulièrement dangereuse, seules les boissons fermentées -le vin- et l'eau cuite en infusion ne gênent pas le processus digestif.

Une étude menée en 2004  (CNRS UMR 51) a montré que les savoyards consomment moins d'eau en bouteille (minérale et de source) et plus d'eau gazeuse, que leur choix dépend de leur âge (ce sont les plus jeunes qui boivent l'eau des torrents) et leur degré d'attache familiale à la région.

Dans les Alpes occidentales italiennes, la pratique de la rhabdomancie (chercheur d'eau), pour fournir un approvisionnement en eau des zones difficiles (alpages, culture en montagne) est une méthode empirique à transmission orale, fortement enracinée dans les savoirs des communautés alpines.

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Droit à l'eau

Depuis quelques années se dessine, au plan international, un droit à l'eau qui vise principalement l'approvisionnement en eau potable.

La disponibilité de l'eau a toujours conditionné les installations et les activités humaines alpines, or, cet accès à l'eau implique la pérennité des sources et une gestion écologique rationnelle.

Les canaux Briançonnais sont nombreux dans les zones urbaines. Creusés, pour la plupart au Moyen Âge, l’usage de l’eau était strictement réglementé, seuls les « pariers » qui disposaient de la « marque » étaient autorisés à irriguer à un jour et à une heure précise. Cette règle a été, depuis, assouplie mais il est interdit aux riverains de brancher un tuyau d’arrosage en permanence.

Depuis 700 ans, ces canaux ont perduré grâce aux associations qui ont assuré leur maintenance.

Le droit à l’eau implique de penser l'homme dans son environnement pour aboutir à une redéfinition de l'intérêt général, donnant ainsi une assise à une gestion durable de l'eau. L'exploitation des champs de neige et des glaciers, pour se procurer et commercialiser la glace à rafraîchir est une pratique qui a marqué le milieu montagnard depuis la Renaissance. À cette époque et jusqu'au premier quart du XX° siècle, l'eau gelée est entrée dans les circuits commerciaux en influant sur l'environnement naturel, social et culturel de la montagne. Ainsi, le développement de ces inter-actions ville-montagne en accélérant le désenclavement des contrées montagneuses a aussi entraîné l'épuisement ou l'altération des ressources.

C’est ainsi que l’état tunisien, afin de contrecarrer le phénomène de dégradation par l’érosion hydrique, a développé différentes méthodes de conservation des eaux et des sols par la construction d’un millier de petits « lacs collinaires » en amont des cours les plus actifs. La méthode proposée est celle d’une segmentation hydrodynamique des parcelles, car c’est essentiellement en fonction des conditions climatiques et anthropique que le milieu naturel subit des changements journaliers, mensuels et/ou annuels des ses structures.

Alors que dans le Haut Atlas marocain, la répartition de l'eau s'opère selon une réglementation très rigoureuse et un rythme de temps bien respecté, découlant des anciennes traditions, les ressources d'eau sont directement utilisables à des fins anthropiques (fontes des neiges, eaux souterraines accessibles). L'eau destinée à l'irrigation est une propriété privée, indépendante de celle de la terre; elle est répartie entre ayants droit et peut être vendue ou louée Toutefois, l'abondance relative de l'eau dans cette région montagnarde rend superflue toute réglementation pendant l'année, sauf en période touristique.

Un tout autre principe régit le flux fécondant de l’eau, en Asie du S-E, organisé autour d’un axe vertical, qui a une signification religieuse. Il relie une région supérieure, un amont chargé de forces ancestrales et sacrées, à un aval qui est une région mauvaise où se perd la force de vie. Dans la conception taoïste de l’Univers, le principe sacré circule et revient à son point d’origine.

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Symbolisme de l'eau

L'eau des Alpes est le symbole d'une ressource abondante et naturelle ; un approvisionnement régulier en eau pure est fondamental pour la vie et la santé des hommes. Si elle est essentielle dans tous les actes de notre vie, des valeurs culturelles et religieuses lui sont attachées, au point d'influencer le choix de certains toponymes et la distribution spatiale des patronymes en relation avec l’eau. Les montagnes ont été, et parfois encore, considérées comme demeures des divinités, comme source sacrée des nuages et des pluies qui alimentent les sources, les fleuves et les lacs.

Les recherches archéologiques ont permis de reconnaître une représentation de l'association d'un milieu souterrain à l'imagination humaine, phénomène qui se réfère à une ligne chronologique depuis le Paléolithique, selon un caractère archétypal.

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Pathologies passées et présentes liées à l'eau

L’étude des paléo-environnements fluviaux a montré le rôle des facteurs abiotiques (changements climatiques influençant les flux d’eau et de matériaux) et biotiques (animaux « ingénieurs de l’écosystème » comme les castors, responsables de la paludification) sur leur développement au cours des derniers millénaires. Les travaux d’écologie historique concernant l’époque moderne montrent en revanche le rôle essentiel de l’homme sur leur genèse, leur conservation ou au contraire leur disparition.

La crise alimentaire, induite par la dépression climatique, qui survint entre le 3e et 4e millénaire av. J.-C., a poussé les populations néolithiques à un changement diététique important. La consommation accrue de poissons d'eau douce entraîne le développement de nombreuses parasitoses. L'analyse paléoparasitologique de 137 échantillons, issus de 16 anciennes cités lacustres néolithiques de Suisse orientale et de l'Allemagne du S-O, ont mis en évidence de nombreux oeufs d'helminthes conservés, attribués au genre Diphyllobothrium sp. l'Opistorchis sp. et Dioctophyma sp. qui apparaissent comme des pathoparasitoses majeures à cette période. La résurgence actuelle de la Bothriocéphalose, en relation avec les nouvelles "habitudes alimentaires" des européens de ces régions, prouve que les conditions environnementale sont restées propices au développement du parasite pendant 6000 ans.

Actuellement, selon les directives européennes 2000/60, le monitorage biologique se base sur l'emploi de paramètres biotiques comme indicateurs de l'état de santé de l'écosystème.

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Thermalisme alpin

D’un point de vue géostructurel, les sources considérées ont leurs aires d’alimentation, leurs circuits souterrains et leurs sources d’émergence au cœur du système alpin.

Les eaux différentes, par leurs compositions en matières dissoutes et notamment en électrolytes, sont des éléments fondamentaux pour comprendre la spécificité de chaque eau vis-à-vis d’une pathologie donnée.

Dès l’Antiquité, à Rome, les eaux et les boues étaient utilisées pour traiter les douleurs articulaires, infections de la peau, gynécologie, séquelles de brûlures…

Les Romains sont intervenu dans la gestion de l’eau des Alpes dès l’intégration de ces montagnes dans l’Empire romain. Ainsi, les origines des villes de cure datent des Romains qui maîtrisaient parfaitement les techniques du thermalisme, les conduites des eaux chaudes et froides étaient séparées. Grands amateurs de bains chauds, les romains virent tout le parti qu’ils pouvaient tirer des sources chaudes et créèrent des établissements où les soldats romains pouvaient se refaire une santé.

Les sources thermales connues des autochtones, sont exploitées au XIXe siècle par des établissements de cure. La naissance de l'industrie, les installations ferroviaires, servent de base à la conquête touristique des champs de neige en hiver, et des Alpes en général. où, le thermalisme devient une activité très médicalisée, visant à soigner ou soulager des personnes plus ou moins lourdement malades.

De même au XIXe siècle, les établissements thermaux du Caucase sont très fréquentés par la haute aristocratie russe très friande des nouvelles avancées médicales en ce domaine. Les cures drastiques prescrites par les médecins personnels de ces familles sont éprouvantes, des effets souvent contradictoires, voire dangereux pour leur santés se manifestent.

La comparaison entre le Caucase du Nord, près de la mer noire, et le Kamtchatka, situé au bord de l’océan Pacifique est d’un intérêt substantiel.

Le Caucase du Nord a la même origine tectonique, le même âge et la même composition géologique que les Alpes actuelles, ce qui permet une analyse comparative entre les caractéristiques des eaux thermales et leur utilisation. Par contre, le Kamtchatka est un des plus jeunes systèmes montagnards de la planète, son jeune âge nous renseigne sur l’évolution des Alpes depuis leur formation. Si les sources thermales de cette régions sont dangereuses et inexploitables pour la santé, des études sont menées quant à l’utilisation énergétique des résurgences et geysers existants.

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Conclusion

Les rapports entre l’homme et l’eau en milieu montagnard sont connus depuis le Néolithique. De l’eau sauvage à l’eau domestique, la disponibilité de cette ressource vitale a toujours conditionné les implantations humaines. L'eau douce de montagne maintient en vie de nombreux habitats naturels, en altitude comme en plaine, contribuant ainsi à la conservation de la diversité biologique.

Après avoir inspiré crainte et respect, les Alpes sont devenues le symbole de la force de la Nature et de la Santé, elles se sont transformées en immense réserve thérapeutique à la fin du XIXe siècle, par une fréquentation bourgeoise friande de thermalisme.

Le tourisme emprunte le même chemin et, selon les thèses du développement durable, l’offre doit permettre un développement équilibré, en accord avec les potentialités d’une région, sans porter atteinte aux ressources qui caractérisent ce secteur. Par sa démarche participative impliquant les entités publiques et privées, ainsi que la population, une résolution préconisant des solutions efficientes économiquement, respectueuses de l’environnement et socialement solidaire se met en place.

Lors de cette Université d’été, les communications ont suscité, en croisant des axes phénoménologiques : historiques, géographiques, anthropologiques, sociologiques, archéologiques…une réflexion scientifique sur la construction anthropologique des relations entre l’homme et l’eau en milieu montagnard.

Parce que la montagne est riche d'intérêts pédagogiques. Parce que les champs d'intervention sont variés et complémentaires autour de la montagne. Parce qu'enfin la montagne a ses caractéristiques, ses enjeux, ses espoirs, les Alpes conçues comme région naturelle constitue une représentation qui a son histoire à transmettre comme patrimoine commun.

 

 

Michèle Aquaron

Contact presse UEE 2006

Association des Anthropologues de l'Arc Alpin- A4

Organisation

UMR 6578  Adaptabilité humaine : Biologie et Culture - CNRS/Université de la Méditerranée - Faculté de Médecine - Centre - Marseille

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10e Université d'Été d'Anthropologie des Populations alpines - Juillet 2007

La mort en montagne

9e Université d'Été d'Anthropologie des Populations alpines - Juillet 2006

Alimentation et Montagne

8e Université d'Été d'Anthropologie des Populations alpines - Juillet 2005

L'Homme et l'Eau en milieu montagnard

7e Université d'Été d'Anthropologie des Populations alpines - Juillet 2004

Le Corps en milieu alpin

6e Université d'Été d'Anthropologie des Populations alpines - Juillet 2003

Plantes qui nourrissent, Plantes qui guérissent

Les causeries en Montagne - 18 août 2005 - Sabenca de la Valéia - Barcelonnette

Relations entre les hommes et les plantes médicinales

Des pratiques empiriques aux pratiques scientifiques

 

 

 

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Octobre 2004