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« Les dégâts humains n'ont pas de prix »

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Jean-Pierre Sevrez - Maire de La Grave

Le maire de La Grave vient d'adresser une lettre ouverte poignante « aux élus de la République et représentants de l'État qui se projettent dans l'avenir » dans laquelle il exprime sa colère contre le sentiment d'abandon que partagent les élus communaux et les habitants.

Sa conclusion est très dure : il est « très difficile de ne pas céder à la plus noire des colères tant le sentiment d’abandon est fort en ce qui concerne les travaux. Certes, des aides sont mises en place pour soutenir à court terme les entreprises mises en difficulté par la situation, mais ces mesures louables sont un accompagnement. Nous revendiquons le droit à la création de richesse dans le paysage économique montagnard ».

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L’observateur attentif de l’évolution de la situation ne peut que partager ce sentiment de colère. On est abasourdi par la désinformation officielle, par l’incurie des élus départementaux, et ici on vise tout particulièrement le Conseil départemental de l’Isère qui est seul (trop seul) en charge de la route.

Comment ne pas être en colère de voir l’incapacité du département de l’Isère d'établir une stratégie claire. Celle-ci aurait dû être définie de suite et non au gré des espoirs mis dans d’illusoires solutions provisoires. On a déjà dénoncé les rustines, les rafistolages. Tout ceci a fait perdre énormément de temps et La Grave et Villar-d’Arêne ne peuvent que constater les dégâts.

Comment ne pas être en colère quand le vendredi, on sonne l’alarme pour un volume de 100 000 m3 de roches qui vont tomber et que le mercredi suivant le volume est passé à 600 000, voire 1 million de m3, comme si on prenait enfin en compte les données des techniciens qu’il n’était plus possible d’occulter plus longtemps.

Comment ne pas être en colère quand on a lu les arguments avancés pour ne pas faire la piste en rive gauche et ensuite les arguments pour la faire alors que chacun sait qu’elle ne pourra pas être utilisée en période de neige. Pour qu’elle le soit, il faudrait mettre le paquet tout de suite et pas avec une piste ou une route à voie unique de circulation. Mais on ne voit rien venir ni sur le papier, ni sur le terrain et pour cause, une vague de 80 mètres pourrait balayer une partie de son hypothétique tracé. Résultat, on va vite se retrouver avec des délais impossibles à tenir.

Comment ne pas être en colère de voir des réunions de crise qui se succèdent avec toujours les mêmes actions jamais mises en œuvre mais redécidées à la réunion suivante.

Oui, il y a vraiment de quoi être en colère et de quoi reposer la question : « Y a-t-il un pilote dans l’avion ? ».

On va quand même atténuer un peu la pression sur les élus départementaux isérois : ils n’ont ni les moyens, ni les capacités de décider et d’agir. On découvre avec effarement et une colère encore plus noire que les conseils départementaux n’ont que la capacité de gérer les affaires courantes, mais certainement pas de faire face à une situation de crise. Pour aller plus loin, il faudrait pouvoir compter sur l’émergence de personnalités capables de dépasser les limites des compétences fixées par la loi et de définir et imposer stratégie et actions à toutes les parties prenantes. Désolé, mais on n’a pas vu émerger de pilote.

Le seul domaine qui fait consensus est celui de la sécurité physique des personnes. Ah ça, pour interdire et ouvrir le parapluie, tout le monde est toujours d’accord.

Résultat, le constat dressé par le maire de La Grave DOIT être pris très au sérieux et à défaut de pouvoir agir sur les éléments naturels, on peut agir en faveur des populations, aux niveaux des départements, des régions et de l’État. C’est bien là la finalité de la politique, et ce pour quoi les élus l’ont été. Ça tombe bien, c’est le seul domaine où on pourrait agir et agir vite. Alors qu’attend-on ?

Comment ne pas être encore plus en colère quand on constate qu’effectivement les populations ne sont pas prises en considération.

Comment ne pas être en colère quand on constate que c’est la démarche de victimisation qui l’a emporté. Une erreur initiale encouragée par l'incurie générale qui est en train de pousser à la révolte. Une timide démarche de solidarité est bien initiée, mais il faut taper plus fort quand c’est la survie de communes qui se joue et ne pas se contenter de communiquer. On est bien forcé de constater qu’à part quelques louables initiatives, c’est l’apathie qui prédomine dans les Hautes-Alpes et que le département ronronne comme si de rien n’était alors qu’il y a le feu dans une partie de la maison.

Comment ne pas être en colère quand, dans un tel contexte, on voit les responsables du tourisme fêter d’avance les résultats de la saison qui commence. Au moins, si la saison est bonne, il sera plus facile d’être solidaire des Gravarots et des Faranchins.

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Vallouimages

Vallouise, 3 juillet 2015

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Copie à tous les élus susceptibles de faire sortir le département de son apathie pour aider la population en danger de la haute Romanche :
Jean Marie Bernard ; Joël Giraud ; Arnaud Murgia ; Marine Michel ; Jean Conreaux ; Marie-Noëlle Disdier ; Romain Gryzka ; Cyrille Drujon d'Astros ; Gérard Fromm ; Bernard Jaussaud.

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LETTRE OUVERTE DU MAIRE DE LA GRAVE (05) AUX ELUS DE LA REPUBLIQUE ET REPRÉSENTANTS DE L'ETAT QUI SE PROJETTENT DANS L'AVENIR.

La Grave, le 1er juillet 2015

Je suis un élu de la République Française fier de mon engagement et conscient de faire partie d'un ensemble qui s'est structuré au fil du temps depuis la révolution, phase certainement sanglante de notre histoire mais que certain pays nous envient.

Aujourd'hui cette république me semble bien lointaine.

L'élu local que je suis se sent bien impuissant devant les inerties administratives, les responsabilités croisées et les compétences définies en prés carrés que personne ne veut perdre. Nous ne sommes pas là pour nous protéger, mais pour protéger nos concitoyens.

Entre le 10 avril et le 26 juin j'ai fait montre d'un optimisme forcené qui m'ont valu certaines critiques par mes concitoyens pour excès de confiance dans les services des départements, de l'état et de leurs sous-traitants.

Depuis la réunion du vendredi 26 à laquelle assistait mon adjoint Roland Jacob et certains élus de la haute Romanche en audioconférence, Il m'est nettement apparu que les enjeux n'étaient toujours pas compris par certains services et décideurs en charges de cette route.

Le politiquement correct et la langue de bois n'ont plus leur place ici. Seul le bon sens doit primer et la technique doit être au service du politique et non l'inverse. Les objectifs sont fixés par le politique et il est demandé aux services de faire des miracles !

Pour les populations qui souffrent, l'attentisme proposé depuis vendredi est insupportable. Seule l'action est envisageable. Toutes les actions qui pourraient être décidées ne fonctionneront pas mais attendre est le pire

Je vois arriver à court ou moyen terme l'exode des familles ayant des enfants scolarisés dans le secondaire et travaillant pour un des parents ou pour les deux en Isère ou à Briançon. Qu'en est-il des familles qui ont un emploi de chaque côté ? Avec qui vont rester les enfants ? Quand verront-ils leur deuxième parent ?
Je vois arriver l'exode des familles saisonnières ou bis-saisonnières privées de leur emploi.
Je vois arriver le licenciement des personnes systématiquement en retard à leur travail en Isère après 2 heures de trajet deux fois par jour dont deux fois une heure sur un sentier de montagne représentant un risque physique certain avec la fatigue d'une journée de travail.
Je vois la détresse de ceux qui ont mis tous leurs moyens et leur énergie dans un commerce, un hôtel, un gîte, une activité touristique ou un service annexe et qui voient leurs efforts balayés en quelques mois.
Que dire des entreprises liées au secteur du bâtiment dont nous sommes riches et qui auront intérêt à mettre leur siège social dans un autre lieu et à déménager leur famille ?

Voilà quelque unes des conséquences d'un été perdu mais le désastre annoncé d'un hiver sans route touristique est bien plus grave économiquement donc humainement par vases communicants.

Le département des Hautes Alpes a investi plus de quatre millions et demis d'euros dans la station du Chazelet dont la clientèle est principalement faite de courts séjours en vacances scolaires ou en week-end depuis les bassins Grenoblois et Lyonnais. La régie du Syndicat mixte qui exploite cette station ne résisterait pas à un hiver sans route et les Communes engagées à prendre en charge quatre-vingt-dix pour cent du déficit seraient mises en grande difficulté. C'est une fermeture annoncée du site et la disparition des emplois directs ou non qui lui sont attachés. Les conséquences induites par cet état de fait seraient désastreuses pour l'ensemble de l'économie des deux communes.

Pour la face nord et le Téléphérique de La Meije, les perspectives pourraient être encore plus désastreuses.
La concession du délégataire actuel se termine le 15 juin 2017. La Commune de la Grave a commencé l'organisation d'une nouvelle délégation de service public avec pour objectif de pérenniser ce ski que les clients en séjour viennent chercher depuis fort loin. Toutefois une grande partie du chiffre d'affaire du Téléphérique est appuyé sur la réactivité des bassins de clientèles de Grenoble et de Lyon. Nous pouvons comprendre aisément que sans route cet hiver, avec un chiffre d'affaire divisé par trois, il sera difficile voire impossible de trouver un repreneur pour cette installation primordiale à la survie du pays de La Meije. La Commune de La Grave se retrouverait à assumer le fonctionnement alors largement déficitaire de cette installation, ce qui est inconcevable. C'est un fleurons du massif des alpes qui pourrait disparaître.
Là encore ce sont des dizaines d'emplois directs ou indirects détruits, des familles qui partiront, qui se diviseront et un pays qui mourra.
Prenez conscience que si les pertes financières se chiffreront en dizaine de millions d'euros pour les deux cents mille lits touristiques impactés à différents degrés, les dégâts humains n'auront pas de prix.

Je ne peux me résoudre à cette fatalité et mes concitoyens non plus. Les élus locaux sont tous mobilisés pour accompagner les bonnes volontés dans une recherche de solution qui mérite maintenant de sortir des standards vécus jusque-là. La population ne supportera pas l'attentisme demandé.

Dans un premier temps je demande que les avis de nos experts nationaux soient croisés avec d'autres savoir faire. D'autres expériences peuvent amener d'autres approches du problème ; d'autres solutions. L'humilité doit primer. Si les compétences n'existent pas sur la scène nationale il est primordiale de les chercher plus loin. Elles existent ! L'attente n'est tolérable que si l'échéance est certaine. Dans le cas contraire c'est la pire des solutions. Seule l'action est possible

Ce lundi j'apprends par courriel du département de l'Isère que la réunion technique hebdomadaire du mardi n'aura pas lieu et qu'une visioconférence sera organisée la semaine prochaine.
Une semaine c'est un siècle pour celles et ceux qui traversent la montagne pour aller travailler.
Pour imager mes propos, imaginez que les employés de nos départements fassent des journées de douze heures avec une montée de la Bastille (pour les Grenoblois) chaque matin et chaque soir !
On leur demande l'impossible, le surhumain !

II est très difficile de ne pas céder à la plus noire des colères tant le sentiment d'abandon est fort en ce qui concerne les travaux. Certes, des aides sont mises en place pour soutenir à court terme les entreprises mises en difficulté par la situation, mais ces mesures louables sont un accompagnement. Nous revendiquons le droit à la création de richesse dans le paysage économique montagnard.

L'élu que je suis demande un plan d'action. Les ingénieurs nous promettent un glissement imminent sans préciser si l'échelle de temps est humaine ou géologique. Quel est le temps d'attente envisagé ? Une semaine, dix jours, ou trente ans comme à l'île Falcon ? Quelles sont les actions envisagées si le glissement n'avait pas lieu dans les dix jours ? Autant de questions qui demandent des réponses rapides.
Si les vallées de la Guisane et de la Haute Romanche devaient être un << cul de sac >> dès la fermeture du col du Galibier les conséquences ne sont, à cette heure, pas imaginables.

Mesdames et Messieurs les Élus de la République, Mesdames et Messieurs les Préfets représentants de l'État Je vous demande de voir dans cette lettre ouverte la description de l'agonie d'une fraction du peuple qui croit de moins en moins en nous et à qui nous avons à prouver que la France existe.

Je vous avoue qu'en ce moment je doute de l'utilité de mon mandat.

Jean-Pierre SEVREZ
Maire de la Commune de LA GRAVE (05)

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Notes :

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