Pays des Écrins
Schéma de Cohérence Territoriale -
SCoT
Commentaires généraux1
Le SCoT - Schéma de Cohérence
Territoriale - de la communauté de communes du Pays des Écrins, dans
sa version soumise à enquête publique est une nouveauté pour le canton qui
mérite d'être saluée à juste titre.
Le Rapport de Présentation fournit d'abord
un diagnostic du territoire, ensuite une description de l'état initial de
l'environnement, enfin les choix retenus pour le projet et les orientations.
Il donne dans le PADD - Projet
d'Aménagement et de Développement Durable les axes stratégiques, déclinés
ensuite de façon plus opérationnelle dans le DOG - Document d'Orientations
Générales.
Leurs contenus engagent l'avenir et fixent
la trame des décisions futures des différentes collectivités locales en matière
d'aménagement et de développement durable.
1. Urbanisation et occupation de
l'espace
D'emblée, le SCoT frappe par son
volontarisme en matière d'urbanisation et d'occupation de l'espace, comme si la
communauté de communes voulait en reprendre la maîtrise après une longue période
de laisser-faire, à peine dissimulée. Les objectifs énoncés et les orientations
fixées marquent même une rupture claire avec les pratiques actuelles.
Volontarisme encore pour maintenir voire
développer l'espace agricole et forestier, avec des injonctions fortes
impliquant le respect absolu des contraintes liées aux activités agricoles.
Enfin, la préservation des paysages
naturels et de la structure ancestrale des paysages urbains et ruraux est
considérée comme essentielle à l'attractivité touristique du pays.
Halte donc à la dispersion de l'habitat et
retour aux villages, moins de chalets individuels et plus d'habitat collectif,
qu'il s'agisse de résidences principales ou secondaires. Si les terrains en
dehors des villages sont bons pour l'agriculture, ils doivent rester à vocation
agricole. C'est bien. La Vallouise par exemple était en passe d'être
recouverte de chalets individuels, et de perdre toutes ses terres agricoles et
espaces naturels tampons entre les zones urbaines.
Par contre, l'application risque d'être
plus difficile :
Les PLU vont devoir être plus stricts pour
définir les zones constructibles et non constructibles. La commune de Pelvoux,
où l'urbanisation diffuse des terres agricoles entre les hameaux s'amplifiait,
va devoir faire machine arrière. Même chose à Vallouise, où le mitage
commence au Pied des Auches, gagne au Sud et menace la Prairie
des Horts. La structure en hameaux de Puy-Saint-Vincent peut encore
être préservée. Les Vigneaux peuvent maintenir la zone du Serre en
l'état et s'étendre au dessus du Village.
La notion d'habitat collectif mérite
d'être précisée et adaptée en taille et style aux spécificités architecturales
de chaque village.
On se félicitera des orientations
relatives à l'embellissement des villages et notamment de leurs entrées, en
particulier celle de Vallouise dont l'état avait été dénoncée sur ce site
internet, mais on regrettera qu'elles se limitent aux éléments structurants et à
la voirie (places, traversées, ...) en négligeant des incitations à
l'embellissement des façades et toitures. Si la démarche d'embellissement est
bien avancée dans la Vallouise et au centre-bourg de l'Argentière,
d'autres villages mériteraient aussi de bénéficier de cette dynamique, comme
Saint-Martin-de-Queyrières, débarrassé de ses voitures, et la
Roche-de-Rame qui n'en peut plus d'attendre.
2. Activités touristiques
L'importance du sujet pour le
développement durable à 15 ans du Pays des Écrins implique une analyse
critique plus détaillée des activités touristiques et des projets de
développement décrits dans les Unités Touristiques Nouvelles.
2.1.
Activités touristiques -
Diagnostic
Le Diagnostic du Territoire insiste à
juste titre sur la forte attractivité touristique du Pays des Écrins
et la place prépondérante que le tourisme représente dans son économie, soit
directement soit par les activités induites (bâtiments, artisanat, services, ...
).
Il fait ressortir une offre importante
mais hétérogène. Ainsi l'offre d'hébergement est très concentrée dans
la Vallouise, à Puy-Saint-Vincent, Vallouise et Pelvoux
avec près de 75% des lits touristiques totaux et 80% des lits marchands. Ceux-ci
représentent moins de 60% du total et frisent le remplissage maximal en période
de pointe alors que les autres, meublés notamment, sont sous occupés. Le taux
d'occupation maximale de la capacité d'hébergement reste toujours nettement en
deçà de 60%, y compris durant les pics d'août (56%) et de février (52%).
La disponibilité reste
donc importante.
Pire, il a été reproché à la toute nouvelle ZAC de
Puy-Saint-Vincent 1800 d'avoir aspiré la clientèle au détriment des meublés
de vallée, phénomène qui traduit sans doute, s'il est avéré, une mauvaise
adéquation de l'offre de meublés de vallée par rapport aux attentes des
vacanciers et encore plus une inadaptation de leur mode de
commercialisation (ndlr).
Le diagnostic insiste avec force sur des
évolutions de fond :
Localement la dynamique touristique
se repositionne progressivement à l'échelle du territoire avec le
repositionnement volontariste de l'Argentière-la-Bessée, l'émergence de
l'intercommunalité et la création de l'OPPE.
La demande culturelle de pratiques
nouvelles accompagnée par une diversification de l'offre touristique, avec
l'émergence de nouvelles pratiques et une segmentation des disciplines
sportives, aussi bien en été (parapente, canyoning,
rafting, nage en eau vive, blocs et falaises, via ferrata, VTT et d'autres)
qu'en hiver (ski de fond, randonnées nordiques, raquettes,
chiens de traîneaux, ski-joëring, ruisseling, cascades de glace, parapente,
...). Ces activités ne se pratiquent plus en station d'altitude mais
plutôt en vallée ou à proximité, ainsi le vallon du
Fournel est devenu un site majeur pour la pratique de l'escalade sur glace
et la vallée de Freissinières a hébergé la première via ferrata de France
(ndlr).
Structurellement, l'activité ski est en
baisse de notoriété, le tout-ski ne correspond plus à la réalité de la
demande et le marché du ski est en stagnation depuis les années 1990.
Si le maintien de cette clientèle spécifique par la modernisation des
stations et leur extension raisonnée doit être recherché, une
adaptation des pratiques semble donc nécessaire, dans une optique de
diversification, de mise en réseau, d'amélioration qualitative, plus que
d'évolution quantitative.
Il existe sur le canton un fort enjeu
d'allongement des saisons, et la demande actuelle constitue un potentiel non
négligeable, dans la mesure où elle va dans le sens d'une diversification des
activités, praticables sur des périodes moins confinées.
Le diagnostic par contre n'aborde pas le
positionnement marketing du Pays des Écrins et de ses stations et n'est
donc pas en mesure d'alimenter le choix stratégique de leur positionnement dans
le PADD et les Orientations Générales qui en découleraient.
Un
rapport remis au premier
ministre en décembre 2006 sur l'attractivité des stations françaises dresse un
constat accablant qui s'applique aussi au Pays des Écrins. Il est à lire impérativement par qui veut mieux
appréhender la problématique du développement des stations de ski. Il définit
bien les domaines prioritaires où les efforts doivent porter.
2.2.
Activités touristiques -
Plan d'Aménagement et de Développement
Durable
Après un tel diagnostic, conforté par le
rapport sus-mentionné et par la prise en compte des risques à moyen terme
concernant le réchauffement climatique, Le PADD reste certes ambitieux
concernant le tourisme mais sans vraiment prendre en compte toutes les
évolutions de fond.
Le PADD met en avant l'atout indéniable
que représente le tourisme qu'il faut conforter et cite la diversification
touristique comme enjeu important pour le développement durable du
territoire.
Il insiste à juste titre sur l'accueil,
avec le maillage des lieux d'accueil, la requalification et la création de
nouveaux lits marchands, la diversification des types d'hébergement pour élargir
qualitativement la gamme et développer l'intersaison. Il prône de ne pas
construire plus de résidences secondaires que de résidences principales pour
éviter le problème des volets clos. 3000 lits supplémentaires sont prévus par
création ou remise sur le marché.
Mais sur un sujet aussi important, pointé
du doigt comme un défaut majeur des stations françaises, les objectifs ne
sont pas à la hauteur :
Il n'aborde pas la refonte indispensable
de l'environnement urbain et du cadre de vie de Puy-Saint-Vincent
(entrée, circulations automobiles et piétonnières, stationnement). Son
attractivité est en jeu, c'est indispensable à son développement durable.
Il n'insiste pas assez sur la remise sur
le marché des lits froids et sur la requalification des meublés vacants.
L'augmentation de l'offre de lits marchands par la mise sur le marché de
meublés non loués devrait être un objectif fort à décliner ensuite en
orientations concernant la rénovation et la classification qualitative des
meublés d'une part, et leur commercialisation centralisée d'autre part. Compte
tenu de la vacance actuelle toujours supérieure à 40%, il n'est pas dit qu'il
soit nécessaire de créer, entendre construire, beaucoup de nouveaux lits d'ici
2020.
Le positionnement des stations n'est pas évoqué. On connaît le
positionnement haut de gamme souhaité par les Orres, Vars,
Serre Chevalier, on ne connaît pas celui de la Vallouise (haut de
gamme, familial, social, sportif, ...). Pourtant ce serait primordial pour fixer
les orientations à 15 ans car les besoins ne sont pas les mêmes. Une station ne
se réduit pas uniquement à des pistes et des remontées mécaniques, la
concurrence se joue largement à un autre niveau. Même le nom est un élément
concurrentiel, on le retient ou on ne le retient pas, et retenir le nom d'un
produit ou d'une marque, c'est clé !
De cette étude de positionnement pourraient résulter des choix
stratégiques majeurs définissant par exemple une station
du Pays des Écrins
transcendant les clivages communaux dont les clients, pardon les vacanciers,
n'ont que faire. Le SCoT devrait plutôt faire bouger les lignes plutôt
qu'accoler les différents projets locaux. En ce sens, bien qu'innovateur il
manque un peu de souffle. Pourtant la réussite de l'OPPE montre la voie.
Enfin, de façon à éviter le grignotage de
l'espace sous-jacent dans la liste des UTN, le SCoT devrait aussi avoir le
courage politique de définir le périmètre de la station.
En conséquence, le PADD devrait être
considérablement renforcé pour mieux appréhender le développement durable du
territoire à travers ses locomotives, en insistant sur « la préservation des
paysages et des milieux naturels comme une condition majeure de la pérennité
de l'exploitation commerciale des stations » et en adoptant une approche
globale au niveau du territoire qui dépasse les clivages communaux
contre-productifs à ce niveau.
2.3. Activités touristiques -
Orientations Générales
Le PADD n'a donc pas pris la juste mesure
des évolutions de fond mais témoigne quand même d'une certaine ambition, que
malheureusement les Orientations Générales ne relaient pas du tout.
La diversification touristique préconisée
par le PADD se traduit par du tout-ski-de-piste-hivernal,
au profit de la seule Vallouise dans le document sur les
Unités Touristiques Nouvelles. La
stratégie adoptée est une stratégie de forte extension, y compris dans des
espaces naturels riches et jusque là préservée, et, hormis à Pelvoux, néglige le nécessaire
renouvellement des équipements anciens qui permettrait pourtant une augmentation
du débit des remontées mécaniques.
Rien ou presque ne concerne
le tourisme estival ou d'intersaison : les accès et l'accueil aux points
touristiques que sont Dormillouse et le Pré de Madame Carle, et
dans une moindre mesure les vallons des Bans, de l'Eychauda et
du Fournel, ne tiendront pas en l'état jusqu'en 2020.
Freissinières et Champcella
mériteraient un peu plus d'attention en
faveur d'un tourisme doux ou à la ferme, des itinéraires de randonnée pourraient
y être développés.
Les Orientations Générales relatives aux activités touristiques,
associées au document sur les Unités Touristiques Nouvelles, sont décevantes.
Elles ne tiennent aucun compte des conclusions du diagnostic et du PADD,
lui-même en retrait. Elles ne sont pas à même en l'état d'assurer un
développement durable du tourisme dans le Pays des
Écrins. Plus grave, prenant le contre-pied
de toutes les études y compris au niveau gouvernemental, elles risquent d'avoir
des conséquences qui pourraient durablement affecter l'attractivité du
territoire et en dégrader sérieusement les espaces naturels.
Il apparaît particulièrement grave de
ne pas tenir compte des tendances à long terme, que celles-ci soient d'ordre
marketing, économique, environnemental ou climatique. Cela peut conduire à
des erreurs d'investissement majeures à contresens de ce qui devrait être
fait.
Le SCoT aborde courageusement et à
juste titre la gestion de l'espace urbain en n'hésitant pas à aller à
contre-courant de la politique actuelle, il doit faire de même dans le
domaine touristique et rompre avec la vision archaïque et dépassée du
tout-ski et de son extension indéfinie.
Le développement des stations est bien entendu essentiel mais
celui-ci doit se faire en cohérence avec les exigences de plus en plus
qualitatives et non quantitatives de la clientèle, en diversifiant les
activités proposées, en rénovant les meublés anciens et en favorisant leur
retour sur le marché et enfin en intégrant les risques climatiques soulignés
par les experts auxquels les canons à neige ne pourront pas répondre.
Le ski de piste restera une composante essentielle mais plus unique. Son
développement passe plus pas la modernisation et le remplacement des
équipements dépassés de façon à augmenter leurs capacités que par de
nouvelles structures destructrices de ce qui fait la richesse et l'attrait
de la vallée.
Dans la continuité de la reprise du
PADD pour l'adapter aux conclusions du diagnostic et du rapport gouvernemental,
les Orientations Générales relatives aux activités touristiques doivent être
entièrement redéfinies et le document relatif aux projets d'Unités Touristiques
Nouvelles, dont beaucoup sont inappropriés et aux impacts environnementaux
négligés, retiré.
3. Autres activités économiques et Agriculture
Les autres orientations économiques sont
intéressantes, mais devront faire leurs preuves. Bon point pour le réaménagement
des zones d'activités économiques dans un objectif de qualité, certaines
actuellement feraient fuir l'investisseur le plus téméraire !
Le maintien voire le développement de
l'agriculture de montagne nécessite sans doute plus que la seule réservation des
terres ; on peut penser à des incitations, à des valorisations spécifiques des
produits, ... Puisque l'agriculture est considérée comme un pilier du
développement durable et qu'elle est en régression (certaines communes n'ont
plus d'agriculteurs ou seulement des agriculteurs âgés), il faudrait traduire la
volonté politique dans des orientations plus concrètes et se fixer des objectifs
précis.
4. Préservation et gestion des
ressources naturelles
Le Diagnostic et le PADD mettent en avant
le rôle essentiel des ressources naturelles dans l'attractivité du Pays des
Écrins et l'importance de leur préservation, de leur valorisation et de leur
gestion. Les Orientations Générales toutefois ne répondent pas à cette ambition.
Les UTN dont les impacts environnementaux sont négligés, lui portent même un
coup sévère. Le SCoT devrait aller beaucoup plus loin et marquer un coup d'arrêt
au grignotage insidieux de l'espace, non seulement par l'urbanisation sauvage ce
qui est fait par ailleurs de façon crédible, mais encore par les stations de
ski. Là encore, le SCoT devrait avoir le courage politique d'exclure la Combe
de Narreyroux de tout aménagement compte tenu de son grand intérêt
environnemental.
5. Mise en oeuvre et gouvernance
La mise en oeuvre est volontariste
concernant l'urbanisme, mais seul ce domaine considéré comme exemplaire est
mentionné, le volet agricole mériterait aussi de l'être.
La gouvernance décrite dans les documents
semble plus consultative que décisionnaire et avec un contrôle a posteriori.
Telle que décrite elle risque de manquer d'efficacité. En particulier, rien
n'est prévu si une commune n'applique pas les Orientations Générales.
Une multitude d'indicateurs, c'est bien
pour dresser périodiquement un état des lieux, mais ce n'est pas suffisant pour
piloter l'application des orientations du SCoT. Pour cela, il faut déterminer un
faible nombre d'indicateurs-clés relatifs aux domaines principaux, en
particulier ceux qui se veulent en rupture comme l'urbanisme et l'agriculture,
ou ceux sur lesquels du retard a été pris, et fixer des objectifs pluriannuels
de progression, avec revue périodique et prises d'actions spécifiques
éventuelles en cas de retard pris. C'est la seule façon d'éviter le yaka
faukon et d'obtenir des résultats tangibles, seuls à même de crédibiliser la
communauté de communes.
6. Conclusion
En résumé, le SCoT constitue un ensemble
d'une indéniable qualité. Il s'appuie sur un diagnostic fouillé et sans
concession. Il comporte des objectifs stratégiques intéressants avec toutefois
des trous dans le domaine économique, notamment concernant les activités
touristiques. Il mérite d'être complété par des orientations plus précises voire
plus ambitieuses dans les domaines les plus importants, comme le tourisme qui
est entièrement à reprendre, l'économie, l'agriculture et l'environnement, et enfin d'être doté
d'un authentique système de pilotage décisionnel.
Note 1 : commentaires sans prétention aucune ni
grande valeur mais qui peuvent éclairer le lecteur sur les projets en cours.
Présentation du SCoT
Commentaires généraux
A. Orientations générales
1.
Développement et Organisation du territoire
1.1. Objectifs en matière de développement
1.2. Orientations en matière d'organisation du territoire
1.3. Espaces et sites naturels à protéger
1.4. Respect des grands équilibres entre les espaces urbains et naturels
1.5. Carte de synthèse
2. Orientations
thématiques
2.1. L'Habitat
2.2. Activités économiques
2.3. Modalités du développement urbain
2.4. Services à la population
2.5. Équipements d'accompagnement du développement
2.6. Préservation et gestion des ressources naturelles
2.7. Protection des paysages et valorisation des entrées de villages
2.8. Prévention et gestion des risques
3. Mise en
oeuvre - Évaluation
3.1. Cohérence du SCoT
3.2. Principales étapes de la mise en oeuvre
3.3. Gouvernance et Évaluation
B. Unités
Touristiques Nouvelles
1. Station de
Pelvoux-Vallouise
2. Station de
Puy-Saint-Vincent
3. La Roche-de-Rame
Documents de référence
Site internet de la communauté de communes du Pays des
Écrins.
Articles connexes
L'attractivité des stations de sport d'hiver
Tourisme,
Immobilier et Environnement
Promotion
du hors-piste
Le climat et les Alpes en mutation
Les canons à neige assécheraient les Alpes