La stratégie « yaka, faukon ! » a manifestement de beaux jours devant elle
dans les Hautes-Alpes à en croire cette
déclaration (1) du président du conseil départemental. D’ici 10 ans, on
devra malheureusement dire « y’aurait fallu kon ! ». Espérons que ce court
extrait ne représente pas la stratégie touristique du département pour les
25 prochaines années, car avec elle, on va directement dans le mur (2).
Pire même, on voit le mur, et on accélère !
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Il faut rappeler, au préalable, deux points importants. D’abord, les
investissements dans l’enneigement artificiel ne remontent pas seulement à
25 ans mais ils ont été importants toutes ces dernières années (et surtout
d'ailleurs ces dernières années) dans les stations des Hautes-Alpes, et
évidemment dans des équipements modernes. Ensuite, l’incident industriel a
concerné toutes les stations quel que soit le niveau d’ancienneté de leurs
installations : quand il fait chaud et qu’il n’y a pas de neige, et parfois
plus d’eau, il faut se faire une raison et ne pas vouloir changer les règles
de la physique. On peut optimiser mais on atteint immanquablement une limite
physique.
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Si on comprend bien le président, en investissant dans de nouveaux
enneigeurs capables de produire de la neige par températures positives (+1
ou +2°C au maximum), on sécurise l’économie des stations pour les 25
prochaines années. Disons simplement, que l’on optimise la production de
neige artificielle mais que l’on ne sécurise rien du tout et certainement
pas pour les 25 prochaines années. Le réchauffement climatique atteint tout
juste les +1°C avec déjà des impacts considérables. Or, il va en accélérant
d’année en année et ses impacts vont en augmentant.
Une stratégie de sécurisation est une stratégie à courte vue : que
fait-on ensuite, d’autant plus qu’elle montrera ses limites bien avant 25
ans ? Il est au contraire indispensable d’entièrement redéfinir la stratégie
des stations de ski et d’arrêter de ne penser qu’en terme de ski de piste :
il faut avoir le courage de dire que « le tout-ski-de-piste, c’est fini »,
tout le monde en est bien conscient, mais, si des fois on pouvait gagner
une ou deux années ce serait toujours cela de pris... Le tourisme
hivernal est-il fini pour autant ? Avec seulement une stratégie simpliste de
sécurisation, la réponse pourrait bien devenir OUI ! Merci monsieur le
président de penser aussi aux générations suivantes…
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Cet accident industriel aura des conséquences à plusieurs niveaux :
La communication de demain des stations
dans une montagne sans neige. |
Les touristes ont bien perçu la panique qui s’est emparée des
responsables de stations avec une perte complète de contrôle de la
communication, ainsi sur la demande aux locaux de leur laisser la
place et sur les transports de neige par hélicoptères. La réalité
s’est brusquement invitée dans la communication jusque là virtuelle,
mièvre et convenue, des stations de ski.
Il faut plutôt s’interroger sur l’impact à long terme de cet
accident industriel sur la perception des vacanciers. On peut
toujours enneiger à outrance, à supposer qu’on puisse le faire, les
skieurs peuvent l’accepter en situation exceptionnelle, mais pas si
l’accident se reproduit trop souvent.
D'autant plus que l'engouement pour le
ski de randonnée montre que le ski de piste n'est plus une fin en
soi (3). Quant à
la « jet set », elle pourrait bien se détourner d’une activité
ringardisée et aller voir ailleurs (4).
On imagine les stations qui vont devoir communiquer sur leurs pistes
artificiellement enneigées au milieu d’une montagne sans neige : on
ne va pas les sécuriser bien longtemps même en investissant
lourdement dans les remontées mécaniques et dans l’enneigement
artificiel. Si c’est ce que l’on veut, on peut faire l’économie de
l’enneigement artificiel et passer directement à des pistes
synthétiques (5), ce sera
beaucoup plus simple et élargira la pratique à l’année ! |
Les actionnaires et les banquiers vont surveiller de très près les
investissements dans une activité aussi vulnérable aux aléas climatiques que
le ski de piste. Déjà le préfet rappelait que la station-locomotive du
département Serre Chevalier est en déficit. Les dirigeants de la Compagnie
des Alpes font immanquablement des comparaisons concernant la profitabilité
de leurs différents domaines et investissent en conséquence. Les banquiers
vont y regarder à deux fois avant de financer des projets. Le département
ferait bien de faire de même d’autant plus qu’avant d’investir il faudra
peut-être soutenir les sites les plus vulnérables. Les ressources n’étant
pas illimitées, on peut s’attendre à des arbitrages douloureux tant dans les
soutiens que dans les investissements…
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S’il y avait une ou des solutions miracle, cela se saurait : il n’y en a pas
et la casse est inéluctable. Tout le monde le sait, mais on continue à faire
comme si de rien n’était pour être sûr de rendre la casse encore plus
douloureuse. On s’accroche à des analyses économiques surréalistes
auxquelles on fait dire par exemple que le chiffre d’affaires des remontées
mécaniques provoquerait par effet de levier un chiffre d’affaires total 6,5
plus important. Eh oui, quand un touriste dépense 1 € dans les remontées
mécaniques, cela lui ferait dépenser 6,5 € au total. Passons, c’est un
ratio, pas un effet de levier. Mais en faire un effet de levier est bien
pratique, car cela permet de justifier la poursuite de la fuite en avant. Au
passage, on notera que le pseudo-effet de levier serait nettement plus
faible concernant l’hébergement où il serait donc moins intéressant
d'investir.
Rénover des remontées mécaniques est certes nécessaire car la fin du ski
n'est pas encore pour demain et la diminution de la longueur de la période
propice va être progressive avec des accidents dans un sens ou dans l'autre (6),
mais élargir l'offre, y compris en nombre de lits, n'est plus nécessaire
face à une demande qui se contracte et à une saison qui rétrécit. L'accent
doit plutôt être mis sur la qualité à la fois des équipements et des
hébergements. On sécurisera plus par une approche qualitative que par des
investissements inconsidérés qui ont déjà abouti à un positionnement
low-cost de beaucoup de stations en-dehors des vacances scolaires, ce
qui impacte déjà largement l'image globale du département (7).
S'il y a un domaine où il faut sécuriser et même plus, c'est celui de
l'accessibilité du département et des stations, que ce soit par la route ou
par le train. Faut-il rappeler la crise du Chambon, toujours pas résolue, et
les menaces récurrentes sur le train jusqu'à Briançon. Les quatre routes
d'accès au département par le nord, par les cols Bayard, de
Luz-la-Croix-Haute, du Lautaret et de Montgenèvre, sont encore plus
obsolètes que les canons à neige d'il y a 25 ans ! Même le tunnel du Fréjus
a montré ses limites à absorber un trafic important.
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Une stratégie de sécurisation est une stratégie défensive qui, dans le cas
présent, ne tient pas compte de l'évolution de la situation. Il faut au
contraire changer d’approche et développer très vite en sus une
stratégie d’innovation tournée vers l’avenir. Déjà en termes de
communication, il ne faut plus parler de stations de ski ou de sports
d’hiver (8) [comme je l'ai fait
volontairement], mais de stations de loisirs et de remise en forme TOUTES
SAISONS où une multitude d’activités sont possibles.
Eh bien, monsieur le président, soyez le moteur de l’innovation dans le
département et faites-en un laboratoire d’idées et d’expériences. Mais
surtout ne restez pas sur la défensive et la sécurisation, passez à
l’offensive et à l'innovation (2).
(1)
Hautes-Alpes: Urgence à investir dans des canons à neige adaptés à la
douceur, Dici, 6 janvier 2016.
Capture d'écran.
(2)
Évidemment, je ne suis pas dupe du jeu des
petites phrases qui déforme les propos et monte en épingle seulement un
élément d'une déclaration, mais c'est quand même « l'urgence à investir dans
des canons à neige adaptés à la douceur » qui a été mise en avant.
(3)
La folie de la randonnée à ski bouscule les grands domaines, Les
Échos, 05 janvier 2016.
Un article qui tombe à
pic pour rappeler à ceux qui utilisent encore le logiciel d'il y a 25 ans,
fondé sur le développement du ski de piste, à travers les remontées
mécaniques et l'enneigement artificiel, que les pratiques et les goûts ont
beaucoup évolué depuis 1990. Le ski sur des pistes formatées à outrance, ça
ne passionne plus ! On aura noté qu'il s'agit de CSP+. Bizarre que ce ne
soit pas une cible pour le département.
Ça confirme l'urgence de
changer de logiciel et de se projeter dans l'avenir.
(4) Quant aux
fêtards, ils n’ont pas besoin de neige pour faire la fête !
(5) Ce serait
déjà bien pratique pour sécuriser les portions les plus sensibles.
(6) On se
rappellera l'enneigement exceptionnel dans les Pyrénées en 2015 avec des
remontées enfouies sous la neige.
(7) Il y a en
effet clairement deux marchés distincts selon que l'on est ou non en période
de vacances scolaires. Hors vacances, l'offre est largement surdimensionnée
et les impératifs de remplissage conduisent à une image low cost qui
tend à s'imposer.
(8) Tout
n'est pas tout noir dans la diversification des activités, ainsi l'article
mentionne le centre de bien-être de la Joue du Loup. Il y a d'autres
exemples et plusieurs socioprofessionnels savent faire preuve d'innovation.
Immanquablement d'autres idées murissent en underground.
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Références :
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