Les articles
du 7 mai et du 23 octobre (cités en articles connexes)
méritent d'être rapprochés.
Le premier
indique que la fiabilité de l'enneigement dans les stations françaises est
grandement fragilisée par le réchauffement climatique malgré la production
de plus en plus massive de neige artificielle et qu'au-delà du milieu du
siècle, de plus en plus de stations ne disposeront plus d'un domaine skiable
fiable.
Le second
montre que les sports d’hiver véhiculent « une image non
respectueuse de l’environnement » et que la perception de la pratique du ski
commence à évoluer, notamment chez les plus jeunes.
Une autre
étude (Spandre et al., 2016) montre que la skiabilité
du retour au village, ou même de la liaison avec les stations voisines, est
toujours une priorité majeure pour les exploitants de stations de ski,
skiabilité que de moins en moins de stations seront en mesure de satisfaire.
La contradiction sera de plus en plus forte entre une priorité cherchant à
répondre à une attente des clients et une réalité qui ne rendra plus
possible la satisfaction de cette attente dans le futur proche.
Dans les Alpes
du Sud, aucune station ne pourra tourner sans enneigement artificiel, lequel
ne sera fiable à 90 % qu'au-dessus de 1350 m d'altitude (Spandre
et al., avril 2016). La
remontée en altitude de l'enneigement naturel aboutira ainsi à des domaines
skiables constitués de rubans artificiels au milieu d'étendues sans neige.
Ce sera en effet cela, le ski dans les stations des Alpes du Sud dans le
futur proche (2030-2050). Pour avoir une idée de ce que cela signifie,
il suffit d'observer la piste reliant le Prorel à Briançon au mois de mars.
C'est triste au possible. Il s'agira d'un ski formaté où les possibilités de
hors-piste en neige naturelle deviendront de plus en plus rares. On est loin
de la « pratique plus douce et plus hédoniste de la montagne » (G2A,
octobre 2019) souhaitée par
les vacanciers. L'inquiétude est donc grande concernant
la perception qu'auront les clients de vacances d'hiver dans une montagne
sans neige avec une pratique du ski considérablement dégradée.
RTS - La Matinale - Publié le 19 octobre 2018
En outre, l'étude (Spandre et al., avril 2019) indique
que la vitesse de fonte de la neige artificielle est probablement
sous-estimée lorsqu'il n'y a plus de neige naturelle mais seulement une piste
de neige artificielle au milieu d'étendues d'herbes et de rochers (Mott et
al., 2015), ce qui devrait être la situation courante dans les Alpes du Sud
dans le futur proche. La fiabilité à 90 % de l'enneigement artificiel
devrait donc y être relevée aux alentours de 1500 m. D'autant plus qu'il
apparaît que par souci du consensus les scientifiques ont tendance à
minimiser les effets du réchauffement climatique (1)
et que les derniers modèles (2)
prévoiraient un réchauffement en 2100 de +6,7 °C au lieu de +5 °C, dans le
scénario RCP8.5.
Autrement dit, toute installation d'enneigeurs
réalisée aujourd'hui, en 2019/2020, à moins de 1500 m d'altitude dans les
Alpes du Sud ne servirait à rien à l'horizon 2030-2050 et aucune station des
Alpes du Sud ne pourrait assurer la skiabilité à 90 % de ses pistes
au-dessous de cette altitude.
Enfin, même si les sports d'hiver pèsent pour
seulement quelques % dans le réchauffement climatique global et qu'ils ne
possèdent pas les moyens de le solutionner au moins pour eux-mêmes, ils n'en
font pas moins partie du problème (transports, énergie, en particulier) et
se doivent de contribuer à la baisse du CO2 à la fois dans les transports,
les pratiques touristiques, les bâtiments, l'organisation urbanistique,
etc., en visant la neutralité carbone pour ce qui les concerne directement.
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Toutes ces contradictions ne
pourront pas être résolues sans une réinvention complète du tourisme
hivernal et, en corollaire, du concept de station. C'est la destination
touristique elle-même qui est à réinventer (Bourdeau, septembre 2019).
(1)
« Pour les dirigeants politiques et les
hommes d’affaires, nous pensons qu’il est important que vous sachiez qu’il
est extrêmement improbable que les scientifiques exagèrent la menace de la
crise climatique. Il est beaucoup plus probable que les choses soient pires
que les scientifiques l’ont dit. Nous avons déjà vu que les effets de
l’augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère se déroulent plus
rapidement que ne le prévoyaient les scientifiques. Il est très probable
qu'ils continueront à le faire et le fait que le GIEC estime que les
émissions doivent être rapidement réduites, voire totalement éliminées,
d'ici 2050, pourrait bien être optimiste. Le fait que cette conclusion soit
difficile à avaler ne la rend pas fausse.
Dale
Jamieson, Michael Oppenheimer and Naomi Oreskes,
« The
real reason some scientists downplay the risks of climate change »,
The Guardian, 25 octobre 2019.
Michael
Oppenheimer, Naomi Oreskes,
Dale Jamieson, Keynyn Brysse, Jessica O’Reilly, Matthew Shindell, and
Milena Wazeck Discerning
Experts : The Practices of Scientific Assessment for Environmental Policy,
University of Chicago Press, février 2019.
(2)
Cyrille Duchesne, météorologue, « Réchauffement
climatique : jusqu'à +6,7°C selon les derniers modèles »,
La Chaine météo, 18 septembre 2019. L'étude (Spandre, avril 2019) est sur le
scénario +5°C.
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Références :
Articles
des 7 mai et 23 octobre 2019.